plus d’un chapitre fort curieux d’histoire diplomatique, et par exemple on gagnerait beaucoup à connaître toutes les influences que nous pourrions exercer dans certaines provinces de l’empire ottoman et toutes celles que nous y subissons. Il est quelqu’un qui pourrait peut-être nous en donner de bonnes nouvelles : c’est notre ancien agent à Bucharest, aujourd’hui rappelé, par égard, dit-on, pour le prince Bibesko.
Le voyage du sultan dans ces belles principautés du Danube est à présent terminé ; il a traversé tout le nord de ses états, annonçant aux peuples qu’il voulait s’éclairer par lui-même sur leur sort, et les couvrir de sa protection sans distinction de race ni de croyance. C’est un événement exceptionnel dans les annales de la Porte. Aura-t-il d’autres résultats que ces généreuses paroles ? Nous le souhaitons sans trop y compter. On a fait en Roumélie, en Bulgarie, à Belgrade, ce qu’on avait fait jadis en Crimée pour Catherine II : on a paré l’empire vieilli pour ne point décourager le jeune prince, comme on avait paré l’empire toujours grandissant pour exalter l’orgueil d’une souveraine triomphante ; on a recouvert les minarets des mosquées et replâtré les fortifications ; on a même essayé d’inventer une sorte d’unité morale, comme on improvisait une puissance matérielle. Reschid-Pacha a donné dans Andrinople une seconde édition de la charte de Gulhané. « Nous sommes tous, a-t-il dit, sujets d’un seul et même royaume ; chrétiens, juifs ou musulmans, nous sommes tous les enfans d’une seule et même patrie. Sa hautesse distribue ses graces sans préférence entre les religions. » Nous voudrions pour beaucoup qu’il y eût là quelque chose de plus solide qu’un simple calque des idées modernes de l’Occident : l’avenir en décidera ; mais ce n’en est pas moins un des traits les plus considérables de notre temps que des réformes politiques s’annoncent à la fois à Constantinople et à Berlin sous l’invocation d’un même principe expressément formulé : « Le dogme religieux n’intéresse que la conscience de l’individu. »
Les affaires d’Amérique ont suivi leur cours : les troupes des États-Unis ont repris l’avantage sur le Rio-Grande, et continuent leur marche après une victoire bravement disputée. L’armée mexicaine semble presque dissoute, et ce n’est point de la capitale en désordre qu’elle peut attendre une direction vigoureuse. A Mexico même, il est un fort parti qui voudrait accéder à la fédération américaine, et ce parti compte dans ses rangs beaucoup de membres du bas clergé qui jouissent d’une souveraine influence chez des populations d’origine espagnole. Il n’y a rien dans ce pays qui ressemble à de l’esprit national, et l’administration a si peu d’intelligence, qu’elle s’est privée comme à plaisir de toutes ressources pécuniaires. Mexico est donc en réalité sans défense ; ce n’est pas à dire que nous croyions le général Taylor déjà si fort avancé dans son expédition. Malgré les recrues que lui a values son succès, il n’est pas près du but et il est permis de douter qu’il y doive arriver : il a sept cent milles à parcourir sur de mauvais chemins, très peu sûrs, avec des troupes irrégulières et dans une saison redoutable. Qu’il y ait une révolution contre Paredes, et le cabinet de Washington ne pourra guère se dispenser de consentir à la paix proposée par un nouveau gouvernement. Il est à peu près évident qu’il a été l’agresseur. Le Mexique a porté la peine de l’irritation causée par l’intervention anglaise dans l’affaire du Texas, parce qu’il avait semblé se substituer à l’Angleterre pour continuer les difficultés. Il serait malaisé de rien dire encore de précis sur les dernières négociations relatives à l’Oregon ; mais il est impossible