titude de petites cafetières de cuivre rouge, car il faut faire bouillir une cafetière pour chacune de ces fines-janes grandes comme des coquetiers.
Et maintenant voici les almées qui nous apparaissent dans un nuage de poussière et de fumée de tabac. — Elles me frappèrent au premier abord par l’éclat des calottes d’or qui surmontaient leur chevelure tressée. Leurs talons qui frappaient le sol, pendant que les bras levés en répétaient la rude secousse, faisaient résonner des clochettes et des anneaux : les hanches frémissaient d’un mouvement voluptueux ; la taille apparaissait nue sous la mousseline dans l’intervalle de la veste et de la riche ceinture relâchée et tombant très bas, comme le ceston de Vénus. À peine, au milieu du tournoiement rapide, pouvait-on distinguer les traits de ces séduisantes personnes, dont les doigts agitaient de petites cymbales grandes comme des castagnettes, et qui se démenaient vaillamment aux sons primitifs de la flûte et du tambourin. — Il y en avait deux fort belles, à la mine fière, aux yeux arabes avivés par le cohel, aux joues pleines et délicates légèrement fardées ; mais la troisième, — il faut bien le dire, — trahissait un sexe moins tendre avec une barbe de huit jours : de sorte qu’à bien examiner les choses, et quand, la danse étant finie, il me fut possible de distinguer mieux les traits des deux autres, je ne tardai pas à me convaincre que nous n’avions affaire là qu’à des almées — mâles.
Ô vie orientale, voilà de tes surprises ! et moi j’allais m’enflammer imprudemment pour ces êtres douteux, je me disposais à leur coller sur le front quelques pièces d’or, selon les traditions les plus pures du Levant… On va me croire prodigue ; — je me hâte de faire remarquer qu’il y a des pièces d’or nommées ghazis, depuis cinquante centimes jusqu’à cinq francs. C'est naturellement avec les plus petites que l’on fait des masques d’or aux danseuses, quand après un pas gracieux elles viennent incliner leur front humide devant chacun des spectateurs ; mais, pour de simples danseurs vêtus en femmes, on peut bien se priver de cette cérémonie en leur jetant quelques paras.
Sérieusement, la morale turque est quelque chose de bien particulier. Il y a peu d’années, les danseuses parcouraient librement la ville, animaient les fêtes publiques et faisaient les délices des casins et des cafés. Aujourd’hui elles ne peuvent plus se montrer que dans les maisons et aux fêtes particulières, et les gens scrupuleux trouvent beaucoup plus convenables ces danses d’hommes aux traits efféminés, aux longs cheveux, dont les bras, la taille et le col nu parodient si déplorablement les attraits demi-voilés des danseuses égyptiennes.
J’ai parlé de ces dernières sous le nom d’almées en cédant, pour être plus clair, au préjugé européen. Les danseuses s’appellent ghawasies ; les almées sont des chanteuses ; — le pluriel de ce mot se prononce