moins varié que dans ses œuvres précédentes, il n’a pas donné à ses figures moins de vie et de mouvement ; mais il a su presque toujours concilier l’élégance et la vie. Il y aurait d’ailleurs de l’injustice à louer chez lui cette alliance précieuse comme une qualité absolument nouvelle. Sa Médée, qui obtint il y a quelques années un si légitime succès, réunissait heureusement la grace et l’énergie. Je veux dire seulement que jusqu’ici il n’avait pas encore résolu ce problème difficile d’une manière aussi éclatante. La décoration ingénieuse du Salon du Roi, où. M. Delacroix a si habilement montré toutes les ressources de son imagination, toutes les ruses de son pinceau, n’a pas à nos yeux la même importance que la coupole du Luxembourg. Cette décoration se compose en effet d’une série de figures, mais n’offre pas à la pensée un véritable poème. Et puis, nous devons le dire, M. Joly s’est montré plus généreux que M. Gisors envers la peinture. Il n’a pas compté d’une main aussi avare les rayons de lumière. Toutes les figures du Salon du Roi se voient facilement, et l’auteur, pour les éclairer, n’a pas eu besoin de recourir à des artifices multipliés. Dans la coupole du Luxembourg, le triomphe remporté par M. Delacroix sur l’avarice de M. Gisors peut être considéré comme un véritable tour de force. Le peintre a été en quelque sorte obligé de créer la lumière dont il avait besoin pour éclairer ses figures. Il a dû chercher dans le ton des draperies, dans la nuance du ciel, les rayons que l’architecte lui avait refusés. La lutte a été laborieuse, mais le peintre est sorti vainqueur de ce combat acharné : il a métamorphosé l’ombre en lumière, et nos yeux peuvent suivre tous les développemens de sa pensée.
Quoique M. Delacroix ait conquis depuis long-temps l’estime et la sympathie des connaisseurs, cependant il ne jouit pas encore de la popularité que mérite son talent. Est-ce de la part du public indifférence ou injustice ? Je suis loin de le penser. Le public pris en masse n’est certainement pas très éclairé, mais il est assez généralement disposé à l’impartialité. Il ne se préoccupe guère de la prééminence de telle ou telle école, il ne s’inquiète pas de savoir si en fait de peinture l’Italie a le pas sur l’Espagne ou la Flandre. Ces questions de pure érudition n’arrivent pas jusqu’à lui, ou plutôt il ne prend pas le temps de s’élever jusqu’à ces questions. Il demande avant tout l’émotion et le plaisir. M. Delacroix l’a souvent ému et charmé : il semble donc que la sympathie publique doive être acquise depuis long-temps au talent de M. Delacroix ; mais la multitude, pour se passionner, pour faire d’un nom nouveau un nom populaire, veut quelque chose de plus que l’émotion et le plaisir. Elle veut être émue et charmée à plusieurs reprises de la même manière. C’est à cette condition seulement que le talent peut obtenir la popularité. Or, depuis vingt ans, dans son ardeur de bien faire, dans son désir constant de faire de mieux en mieux, Ml. Delacroix a tenté des voies si