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moins des sentimens généreux et une belle idée qui ressort heureusement du fond même du sujet et des enseignemens de la tradition chrétienne. Il suppose que Dieu, après le triomphe de l’héroïne, accorde la délivrance aux guerriers français morts devant Orléans, qui subissaient les épreuves du purgatoire. Pourquoi l’église a-t-elle laissé au poète le mérite de cette invention ? Elle a tant pardonné, même aux grands coupables, qu’on pourrait peut-être, sans se montrer sévère, s’étonner qu’elle n’ait jamais compris dans ses indulgences ceux qui mouraient pour leur pays.

Le plus grand succès du poème de M. Duménil fut un article au Journal des Savans et le suffrage de M. Raynouard, qui lui-même avait fait une tragédie de Jeanne d’Arc ; mais quelques vers heureux, des passages bien écrits, une belle idée et un article de journal ne suffisent pas à rendre une épopée durable. Deux ou trois scènes dramatiques et les éloges d’un critique en renom ne suffisent pas non plus à assurer dans l’avenir le succès d’une tragédie. La Jeanne d’Arc à Rouen de d’Avrigny, jouée en 1819, fut applaudie par les uns, vivement critiquée par les autres, et chaudement défendue par Hoffman. Le public trouvait qu’il était difficile de rendre le duc de Bedford intéressant, l’évêque de Beauvais supportable, et que la pièce d’ailleurs ressemblait trop à un procès en cour d’assises. Le public finit par avoir raison contre Hoffman, et l’histoire littéraire n’eut qu’un nouvel échec à enregistrer. Mais les défaites de leurs devanciers n’effraient point les poètes ; l’amour-propre, comme l’enthousiasme et le mysticisme, a ses hallucinations, et ce démon familier, qu’on n’exorcise jamais, nous répète toujours : Tu feras mieux que les autres. Vers 1829, Mme de Choiseul, forte des encouragemens qu’elle avait reçus de Mme de Genlis, fit paraître un poème en douze chants, comme tous les poèmes. Ce ne sont plus les dieux de l’Olympe que Mme de Choiseul invoque, mais le seul Dieu des chrétiens et le roi de France. Par malheur, en fait de poésie, le roi ne peut rien, même dans les monarchies absolues, et il n’en est point de l’inspiration comme de la grace ; pour l’obtenir, il ne suffit pas de la demander : on en jugera par les six vers suivans, qui donnent le ton de tout l’ouvrage :

Sur la place fatale arrivé, l’on s’arrête :
On fait descendre Jeanne, et l’on met sur sa tête
Une mitre portant d’infâmes écriteaux ;
On y lit la sentence exprimée en ces mots,
Que dicta, qu’inscrivit la rage opiniâtre :
Hérétique, relapse, apostate, idolâtre.


Certes, ce n’est pas trop de la rime pour s’apercevoir que l’auteur a eu l’intention de faire un poème.

Au commencement de cette année même, deux épopées nouvelles, la Jeanne d’Arc de Mlle Bigot et la Jeanne d’Arc de M. Alexandre Soumet, ont paru simultanément. La première a passé inaperçue, comme tant d’autres poésies éphémères que le même jour voit éclore et mourir ; la seconde a été accueillie avec la sympathie bienveillante qu’on doit aux œuvres consciencieuses, inspirées par de louables sentimens. M. Soumet était encore dans la première vigueur de l’âge lorsqu’il disposa l’ordonnance de son poème ; il l’a terminé sur le lit de douleur où la mort l’a frappé, et, ainsi que l’a dit un de ses biographes, il s’est, appuyé sur