assigné à sa mission, et sans aucun doute elle l’aurait atteint si elle avait trouvé plus de courage et moins de trahisons autour d’elle. Le dessein qu’elle avait formé avec le duc d’Alençon de conquérir la Normandie, la campagne du Nivernais, témoignent qu’elle n’avait rien perdu de ses instincts belliqueux ; mais elle rêvait de plus grandes choses encore : sa pensée était tournée sans cesse vers le duc d’Orléans, et, pour le délivrer, elle avait conçu un projet qui la place entre Guillaume-le-Conquérant et Napoléon, le projet d’une descente en Angleterre.
Contrariée dans ses desseins, fatiguée des obstacles qui renaissaient sans cesse autour d’elle, la Pucelle quitta la cour vers la fin d’avril 1430, non pas pour retourner dans sa famille, mais peut-être avec l’intention de chercher la mort sur le champ de bataille. Elle se retira, on le sait, dans les murs de Compiègne, et le 24 mai elle fut prise dans une sortie, et sans aucun doute par l’effet d’une trahison. A la nouvelle de cet événement, une immense douleur éclata dans le peuple, et, tandis que le clergé de Paris, dévoué au parti anglais, célébrait un Te Deum solennel à Notre-Dame, les bourgeois de Tours, d’Orléans et de Blois, les pieds nus et la corde au cou, chantaient le Miserere et promenaient les reliques des anciens patrons de la France. Les Anglais, dit notre vieux poète Martial de Paris, ne l’eussent point donnée pour Londres, et le roi de France qui pouvait, quoi qu’en aient dit les écrivains ultra-monarchiques, ou la sauver en menaçant les Anglais de représailles, ou tenter sa délivrance par les armes, ou la racheter, en vertu des coutumes féodales, moyennant dix mille écus, le roi de France la laissa vendre pour cette somme au duc de Bedford.
Nous n’avons point à raconter ici les détails du procès de Jeanne d’Arc, les douleurs de sa captivité et cette longue agonie qu’elle-même a nommée sa passion. C’est dans les pièces judiciaires qu’il faut lire ce drame attendrissant, car, ainsi que l’a dit M. Daunou, « mêler la réflexion à l’exposé de cette horrible procédure, c’est manquer de confiance dans l’intérêt naturel et profond d’un tel sujet. Les faits frappent et parlent d’eux-mêmes, et Jeanne d’Arc assurément n’a besoin d’aucune autre apologie, ni ses juges d’aucun autre opprobre.
Du 21 février au 27 mars, Jeanne subit seize interrogatoires. La semaine sainte ne suspendit pas même la procédure, et, comme à l’assemblée de Poitiers, il était triste et beau de la voir se défendre, femme contre les hommes, ignorante contre les doctes, seule contre tous, toujours confiante dans le triomphe de ce roi qui l’oublie, toujours pieuse en présence de ces prêtres et de ces faux docteurs qui la torturent et qui la tuent ; et certes le peuple pouvait sans blasphème comparer l’évêque de Beauvais et ses indignes assesseurs à Caïphe et aux pharisiens s’acharnant à faire mourir le Christ.
Le 31 mai 1431 la sentence de mort fut signifiée à la Pucelle, et le même jour elle fut conduite au vieux marché de Rouen pour y être brûlée. En montant sur le bûcher, elle déclara solennellement que sa mission venait de Dieu ;