Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES

FEMMES DU CAIRE

SCÈNES DE LA VIE ÉGYPTIENNE.

LES ESCLAVES.[1]

I. — UN LEVER DE SOLEIL.

Que notre vie est quelque chose d’étrange ! Chaque matin, — dans ce demi-sommeil où la raison triomphe peu à peu des folles images du rêve, je sens qu’il est naturel, logique et conforme à mon origine parisienne de m’ éveiller aux clartés d’un ciel gris, au bruit des roues broyant les pavés, dans quelque chambre d’un aspect triste, garnie de meubles anguleux, où l’imagination se heurte aux vitres comme un insecte emprisonné, — et c’est avec un étonnement toujours plus vif que je me retrouve à mille lieues de ma patrie, et que j’ouvre mes sens peu à peu aux vagues impressions d’un monde qui est la parfaite antithèse du nôtre. La voix du Turc qui chante au minaret voisin, la clochette et le trot lourd du chameau qui passe, et quelquefois son hurlement bizarre, les bruissemens et les sifflemens indistincts qui font vivre

  1. Voyez la première partie, les Femmes Cophtes, dans la livraison du 1er mai.