n’y a pas de calomnies qu’on n’ait fait courir sur son compte, et aujourd’hui sa carrière diplomatique est terminée. Quant aux amirs du Sind et à leurs clans à demi sauvages, les batailles de Miani et de Dobba mirent fin à leur douloureuse histoire. Un peuple grave et généreux se leva pour la défense de ses maîtres ; mais que pouvait son courage aveugle contre la discipline européenne ? Il succomba, noyé dans le plus pur de son sang, et le vainqueur profita de l’enivrement du triomphe pour consommer inaperçu son œuvre d’injustice. « Ceux des amirs, dit le Bombay-Times du 3 juin, qui n’étaient que légèrement coupables, et celui qui était complètement innocent, furent enveloppés dans la même condamnation. Le souverain de Khyrpour, dont les actes à notre égard n’avaient été que des services, fut déporté dans l’Inde pour y partager la prison des amirs. d’Hyderabad, dont l’un était accusé d’avoir écrit une lettre et l’autre d’y avoir apposé son cachet. Jusqu’alors la rapacité avait semblé le seul mobile des persécuteurs ; depuis ce temps, les plus lâches passions se sont donné carrière. Au milieu d’infortunes qui auraient attendri le cœur le plus dur, captifs sur la terre étrangère, séparés de leurs familles et de leurs amis, ces princes se sont vus en butte aux plus atroces et aux plus ridicules calomnies, répandues par les créatures et les flatteurs de celui qui les avait dépouillés.
Le Bombay Courier a manifesté plus énergiquement encore son indignation. La tombe s’est refermée sur l’amir de Khyrpour, dit-il[1] ; arrosons-la des larmes du repentir. Le digne vieillard, comme l’appelait Burns, est parti pour cet autre monde où la réparation comme l’injure ne peuvent plus l’atteindre ; mais nous pouvons au moins rendre justice à sa mémoire, en reconnaissant notre ingratitude et en la réparant autant que possible vis-à-vis de sa famille et de ses compagnons d’infortune.
Qui ne croirait, d’après cette unanimité de la presse locale, que tous ces torts doivent être redressés, que ces princes, reconnus innocens, vont être remis en possession des patrimoines dont on les a si injustement dépouillés ; que ce brutal et avide gouverneur ne peut manquer d’être arraché de son siège, flétri et dégradé de fait comme il l’est déjà dans l’estime de ses contemporains ; enfin, que ces Anglais, si compatissans pour les infortunes de Pomaré, dérangée dans ses orgies quotidiennes et ses couches annuelles par le bruit des canons français, troueront sinon des égards et du respect, au moins de la pitié et de la sympathie pour les veuves et les orphelins des victimes de leur ambition ? Mais nos voisins ont un code politique exclusivement à leur usage, et qui les protège merveilleusement contre les entraînemens de la sensibilité, surtout quand il s’agit de restituer le bien mal acquis. Pour ce qui est de la conquête du Sind et des excès qui l’ont suivie, sir William Napier, frère du vainqueur de Miani, n’est nullement à court d’argumens. Selon lui, l’injustice commise envers les amirs remonte au temps de lord Auckland ; donc c’est un fait accompli, on ne doit plus y revenir, et, si injustice il y a, le gouvernement de l’Inde n’a plus d’autre devoir que de maintenir et de continuer cette injustice. C’est un raisonnement remarquable, et qui mérite d’être cité. On croirait lire une page inédite de Machavel.
« Le traité d’avril 1838, dit sir W. Napier[2], obtenu des amirs sous le prétexte