Il serait fort à regretter que le prince éclairé qui règne en Danemark s’effrayât hors de propos d’exigences si naturelles, et crût sa dignité compromise par des innovations. Il y a plus d’embarras et de péril dans le maintien obstiné d’institutions incomplètes que dans le progrès légitime de la vie publique. Ces états provinciaux au moyen desquels on essaie en Danemark, aussi bien qu’en Prusse, de retarder l’avènement du gouvernement représentatif, sont tout autrement dangereux pour la royauté que de grandes assemblées délibérantes. La tête du monarque est sans cesse à découvert ; les députés ne sont point suffisamment autorisés pour parler au nom du pays ; les ministres, dépourvus de toute responsabilité, n’ont ni l’honneur ni le droit de faire face aux attaques dirigées contre le pouvoir ; il ne reste plus que des individus aux prises et non point des institutions en jeu. Le roi converse avec ses sujets, comme Frédéric-Guillaume par exemple, avec les municipalités prussiennes : il est très grave pour la royauté d’avoir tort en personne. Telle est au contraire la beauté d’une constitution tout-à-fait sincère, qu’il y a bénéfice pour tout le monde à la pratiquer loyalement ; loin de s’affaiblir en passant par le mécanisme représentatif, l’autorité monarchique y revêt un prestige nouveau quand elle en a compris et observé les lois. C’est là ce que la France devrait toujours prêcher en Danemark comme en Prusse ; c’est par là vraiment que la question danoise nous touche. On dit sans doute à Copenhague que Paris est bien loin et Pétersbourg bien près ; mais rapprocher les politiques, c’est rapprocher les distances, et le jour où la France aura convaincu les gouvernemens absolus du Nord de tous les mérites de la sage liberté, la France aura fait ce jour-là plus qu’avec vingt armées contre cette formidable puissance qui menace l’équilibre européen sur la Baltique en même temps qu’au Bosphore.
ALEXANDRE THOMAS.