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lui rassemble à si grand’ peine ? C’est évidemment le but particulier de cette sorte de coup d’état frappé dans un état absolu. La disgrace affichée du duc d’Augustenbourg montre assez qu’on a voulu ruiner toutes les prétentions de la descendance masculine, non-seulement sur le Schleswig, où elles ne sont pas fondées, mais sur le Holstein, où elles le sont[1].

S’il fallait, en cette rencontre, qu’il y eût des titres écartés et des intérêts sacrifiés, nous ne pensons pas cependant que le sacrifice eût dû tomber de ce côté-là. Nous tenons le manifeste royal pour juste et décisif, tout en attendant des explications plus positives au sujet du Holstein ; nous croyons néanmoins qu’un compromis pourrait seul terminer le différend avec toute sûreté comme avec tout avantage, et le compromis semblait plus facile dans la personne du duc d’Augustenbourg que dans celle du prince de Hesse.

L’intérêt particulier du Danemark est d’accord ici avec celui de l’Europe ; la question est une et simple ; le seul but à poursuivre, c’est le maintien du royaume tel qu’il a été constitué par les traités qui ont fondé l’ordre européen Il ne s’agit point de rien changer aux rapports spéciaux du Schleswig ; le roi proteste officiellement contre de pareils desseins ; il s’agit de conserver l’intégrité nécessaire de la monarchie danoise sous ces formes fédératives avec lesquelles elle s’est constituée. Nous ne savons pas s’il serait encore temps pour les grandes puissances de délibérer en congrès sur une solution qui les intéresse toutes ; nous ne savons pas jusqu’à quel point il leur serait possible d’exercer par leur concert une médiation assez efficace pour rattacher solidement les duchés au Danemark, comme elles ont jadis consacré la séparation de la Hollande et de la Belgique ; nous redoutons toujours l’intervention des protocoles étrangers dans les destinées intérieures des peuples ; mais du moins faut-il que les peuples arrangent eux-mêmes leurs affaires,

  1. On ne peut trop le répéter, soit l’Allemagne, soit au Danemark : autant il est nécessaire en politique de sauver l’intégrité de la monarchie danoise, autant il est équitable de préserver les droits anciens et légitimes du Holstein. Si la dissolution du corps germanique, en 1806, ne permet pas d’invoquer le vieux droit public de l’empire pour régler de semblables questions, qui ressortissent exclusivement aujourd’hui du droit de souveraineté inhérent à chaque état, il n’en est pas moins vrai qu’il faudrait les considérations les plus graves pour faire fléchir le droit public intérieur dont le Holstein est en possession. « La déclaration du 9 septembre 1806 porte, il est vrai, que le Holstein doit dorénavant faire partie indissoluble de la monarchie, mais il parait toujours douteux qu’on ait pu par là, ou même voulu changer l’ordre de succession sans le consentement des agnats et des états de la province. »
    SCHLEGEL. — Aperçu sur la liaison politique entre les duchés de Schleswig et de Holstein, 1816.)