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plus on a de chance d’accréditer ce que l’on dit, ce même Klaproth, étalant une érudition copte trop loquace, se permit de contrôler des faits de linguistique pure, et là perça bien vite le bout de l’oreille. Le juge si sévère de Champollion ne savait pas le premier mot de l’idiome sur lequel il émettait les opinions les plus tranchées ; il le savait si peu, que les notes fournies par des hommes capables d’apprécier une question de grammaire copte étaient estropiées par lui de la manière la plus bouffonne, et de façon à constater clairement son ignorance. Je n’hésite pas à le reconnaître, les critiques de Champollion firent plus de mal à la science hiéroglyphique que ne lui fit de bien l’éclatant témoignage d’admiration que lui rendit Sylvestre de Sacy dans sa Notice historique sur Champollion, tant il est vrai que l’attaque a toujours pour elle plus de chances de succès que la défense.

Ici se présente, dans l’ordre des faits relatifs à l’histoire des études égyptiennes, une circonstance honteuse dont je dois parler brièvement, quelque répugnance que j’éprouve à le faire. Parmi les hommes que Champollion avait appelés à lui venir en aide pour propager sa doctrine et pour poursuivre l’exploration du terrain vierge où il était entré, un surtout, Salvolini, par son intelligence, son aptitude et son dévouement apparent, avait mérité toute l’affection du maître. Souvent celui-ci proclama tout haut la supériorité de son disciple chéri, et prédit qu’il lui serait donné de reculer bien loin les limites de la science hiéroglyphique. Une confiance sans bornes, et dans laquelle Champollion trouvait un charme infini, avait payé les obséquiosités et les faux semblans d’affection dont se masquait la trahison du disciple, trahison bien coupable, car, abusant de cette confiance toujours croissante de son maître, abusant sans pudeur de son état maladif, et, qui plus est, de son agonie même, cet homme eut l’affreuse pensée de dépouiller de ses œuvres le moribond auquel il devait tout : ses travaux manuscrits, le plus précieux de ses biens, il les lui vola, sûr que la mort allait bientôt lui fournir le moyen de se les approprier sans danger, et de fait, peu de temps après la mort de Champollion, des écrits de celui-ci furent publiés par Salvolini, qui eut le courage de les signer. Cet acte honteux ne devait pas rester impuni ; bientôt la santé du plagiaire s’altéra, et il mourut plein de jeunesse, tué peut-être par le remords de sa mauvaise action.

Jusqu’ici je ne me suis occupé que des œuvres de Champollion, parce qu’elles sont et seront toujours la véritable clé de voûte de l’imposant édifice élevé à l’honneur de l’histoire égyptienne, et parce qu’autour de ses travaux sont venus se grouper tous les autres travaux du même genre publiés en Europe. Parmi ceux-ci, il en est un qui mérite une mention toute spéciale : c’est une dissertation pleine de sagacité et de savoir, écrite par Kosegarten, et relative à l’écriture démotique. Cette dissertation, qui a paru depuis longues années, en faisait espérer