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nous, car tous furent reproduits par la gravure avec le soin le plus minutieux, et les textes de la triple inscription de Rosette, publiés une première fois en Angleterre, le furent un peu plus tard en France avec infiniment plus de correction. Quelques mémoires sur les écritures égyptiennes furent insérés dans la Description de l’Égypte ; mais ces mémoires, écrits d’ailleurs avec sagesse et caractérisés par une grande sobriété d’hypothèses, ne firent avancer la science que sous le point de vue matériel. En d’autres termes, la forme des écritures égyptiennes y était examinée avec tout le soin désirable, tandis que leur essence restait toujours un profond mystère.

À la même époque, deux hommes également éminens, Young et Champollion, comprirent par une sorte d’intuition que le moment était enfin venu de pénétrer les secrets des écritures égyptiennes. Chacun, de son côté, se mit à l’œuvre et commença la seule étude qui pût fournir la clé de ces mystérieuses écritures, c’est-à-dire l’examen comparatif des trois textes du décret de Rosette.

Young, guidé dans son travail par la tournure éminemment analytique d’un esprit exercé de longue date aux spéculations mathématiques, parvint à reconnaître dans chacun des deux textes égyptiens les groupes de signes qui représentaient les idées fournies par le texte grec. Quelque pénible que soit un semblable travail, il ne faudrait pas néanmoins s’en exagérer les difficultés. Les mêmes idées se reproduisant assez fréquemment dans le décret, leur expression devait promptement être déterminée, et, une fois la position de cette expression fixée partout, on possédait des jalons bien suffisans pour cheminer avec sûreté et procéder à la découverte directe des idées. Ce que je dis ici de ce travail purement mécanique, j’ai le droit de le dire, parce que le travail que Young avait entrepris, que Champollion et Peyron avaient également entrepris, je me le suis imposé moi-même quand j’ai pris la résolution d’étudier les écritures égyptiennes. Je dois en convenir, j’ai reconnu avec surprise que j’avais eu tort de m’effrayer d’une fatigue à laquelle je m’étais résigné de grand cœur à l’avance, et que je n’ai pas rencontrée en me mettant à l’œuvre. Quoi qu’il en soit, Young, à l’aide de son travail comparatif, constata l’emploi de signes réellement symboliques dans l’écriture sacrée. Pour l’écriture démotique, il crut d’abord, avec la commission d’Égypte, qu’elle était purement alphabétique, et, trois ans après, il déclara hautement que cette écriture était tout aussi symbolique et idéographique que l’écriture sacrée des hiéroglyphes. La première fois, Young avait dit vrai ; la seconde fois, il adoptait une opinion qui devait lui interdire à tout jamais l’accès de cette écriture démotique à laquelle il ne cessa plus néanmoins de donner toute son attention. Le savant docteur, ayant, par la dissection du texte hiéroglyphique du décret de Rosette, reconnu le groupe qui représen-