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de Plutarque, la traduction des textes hiéroglyphiques qui recouvraient un obélisque, donnée par Hermapion et conservée par Ammien Marcellin, l’explication d’une série de signes hiéroglyphiques proposée par Horapollon, enfin un passage des Stromates de saint Clément d’Alexandrie : voilà tout ce que l’antiquité lettrée grecque et romaine nous a légué sur la philologie égyptienne. Il est indispensable de dire ici, mais le plus brièvement qu’il sera possible, quelle est la valeur réelle de ces documens originaux. Manethon, dans le passage qui nous a été transmis, nous révèle, à propos des conquérans pasteurs du royaume d’Égypte, nommés Hykchos par Hérodote, l’existence d’un dialecte sacré et d’un dialecte vulgaire usités à la même époque. Dire, ainsi que je viens de le faire, que la Bible et les écrits de Plutarque contiennent quelques mots empruntés à la langue égyptienne, c’est dire tout le parti que l’on en peut tirer pour l’étude de cette langue. La version d’Hermapion, que l’on a long-temps considérée comme apocryphe et mensongère, est aujourd’hui devenue plus que vraisemblable, car les idées qu’elle présente sont presque toujours identiques avec celles que l’étude des monumens analogues a fait reconnaître à l’aide de la science moderne. Quant au livre d’Horapollon, on y trouve entremêlés des faits très probables avec une foule d’autres faits tellement invraisemblables, pour ne pas dire impossibles, qu’on ne saurait, en lisant attentivement cet ouvrage, s’empêcher de dire à certains passages : Ceci est vrai, comme à certains autres : Ceci est ridicule et faux. Somme toute, les hiéroglyphes d’Horapollon sont d’une très faible ressource pour l’étude des écritures égyptiennes, précisément à cause des interpolations dont on doit croire cet ouvrage entaché. Reste enfin le passage de saint Clément d’Alexandrie, et cette fois nous devons nous féliciter de ce que l’antiquité nous a légué un document aussi précieux. En effet, l’étude approfondie qu’en ont faite les plus habiles hellénistes y a très nettement constaté la mention explicite des trois systèmes d’écriture dont l’analyse des monumens épigraphiques de la vieille Égypte a révélé l’existence simultanée. La première de ces écritures, dite hiéroglyphique, était destinée à représenter les textes sacrés dont les murailles des palais et des temples étaient recouvertes. Ce même système d’écriture, modifié dans la forme des signes qui le constituaient, de façon à devenir une véritable tachygraphie de l’écriture hiéroglyphique, était employé dans la caste sacerdotale ; c’était l’écriture hiératique, ou des prêtres. Enfin une troisième écriture beaucoup plus simple, et nommée enchoriale (du pays) ou démotique (du peuple), était exclusivement destinée à peindre les mots du dialecte vulgaire, et servait à la rédaction de tous les actes privés ou publics dont la teneur devait être mise immédiatement à la portée de toutes les classes de la nation. Malgré les assertions si positives de saint Clément d’Alexandrie, dont la sincé-