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la Pensylvanie, Pittsburg, Cincinnati et Détroit, puis le Michigan et le Wisconsin ; descendant au midi, il a parcouru les rives du Mississipi, les états du Missouri, de l’Illinois et de l’Ohio. Il a étudié la situation des émigrans européens, le caractère de leurs relations avec les citoyens de l’Union, leurs rapports avec les Indiens civilisés du nord, la constitution, les ressources et les progrès des divers centres agricoles jetés en avant de la civilisation au milieu des bois et des prairies du Nouveau-Monde. De retour à Washington, M. Van der Straten Ponthos a consigné ses observations dans le livre que nous avons aujourd’hui sous les yeux, et qui pourrait être intitulé le manuel de l’émigrant en Amérique.

L’auteur, en effet, adoptant une division aussi simple que logique, fait d’abord l’histoire de l’émigration, puis il en expose l’état actuel. Quelles sont les lois qui régissent la condition des étrangers établis aux États-Unis ? Il en est deux : la loi d’aliénation du domaine fédéral, qui leur octroie la possession de la terre et règle les concessions domaniales ; celle de naturalisation, qui leur donne la qualité et les droits de citoyen américain. L’auteur en commente les dispositions essentielles, et établit d’une manière précise les avantages dont l’émigrant peut être assuré d’avance. Ces indications établies, il importait de signaler tous les incidens, toutes les épreuves, tous les dangers qui l’attendent pendant les diverses périodes de son voyage. L’auteur, en écrivant ce mémoire, s’est proposé un but éminemment pratique, et nous ne craignons pas de dire qu’il l’a atteint. Il prend le fermier belge ou allemand pour ainsi dire par la main, le conduit pas à pas depuis le port de l’embarquement jusqu’à sa destination définitive ; il prévoit tout, lui dévoile les extorsions auxquelles il sera en butte de la part des compagnies de recruteurs, de la part des armateurs, des capitaines de navires, des entrepreneurs de transports sur les canaux d’Amérique, et celles qui l’attendent au port de débarquement. Il indique le prix de la traversée, celui des denrées, celui des chemins de fer, et lui fournit les moyens de ménager à la fois son temps et sa bourse. Au terme du voyage, se présente la question du mode d’établissement. Les procédés qui le régissent peuvent se diviser en cinq systèmes principaux : 1° la communauté ; 2° l’association par action ; 3° le système religieux ou philanthropique ; 4° l’isolement ; 50 l’agglomération. M. Van der Straten Ponthos les discute successivement, fait ressortir avec impartialité les vices et les chances de succès de chacun, et, sans se prononcer d’une manière décisive, il fait justement pressentir qu’une agglomération qui conserve au colon son individualité et fortifie la société à l’image de la famille est encore celle de laquelle on doit attendre les plus solides avantages et les plus sûres améliorations.

L’auteur ne voulait faire qu’un travail utile, et les enseignemens et les détails dont il l’a semé en ont fait un livre d’un intérêt piquant. C’est un mérite que n’ont pas toujours ceux qui font le plus d’efforts pour y parvenir.



V. de Mars.