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que la chambre sera réduite à entendre d’une part les anti-algériens venir, à la suite de M. Desjobert, répéter leurs anathèmes annuels et leurs paroles de Cassandre, et, de l’autre, à accepter du ministère l’engagement d’approfondir et de résoudre les questions soulevées par la colonisation civile et le désordre de l’administration locale. En renvoyant au budget l’affaire de l’Algérie, la chambre, contre son intention, a rendu le débat à peu près impossible. Depuis le vote de vendredi, la session est moralement terminée, et l’Afrique comme la Syrie arrivent malheureusement trop tard. Les députés de toutes les opinions ne pensent qu’à rejoindre leurs arrondissemens au plus vite, pour ne pas laisser le champ libre aux députés surnuméraires, dont les professions de foi volent déjà d’un bout de la France à l’autre. Au premier rang de ceux-ci figurent les fonctionnaires publics de tous les étages et de toutes les robes, et ce n’est pas là le moindre embarras du cabinet. Il faut opter entre des prétentions qui toutes se produisent au même titre, entre des dévouemens qui, malgré leurs manifestations chaleureuses, pourraient bien, s’ils étaient dédaignés, emprunter comme appoints les voix de l’opposition. De plus, les candidatures multipliées des fonctionnaires exercent sur l’opinion un effet grave, qui paraît de nature à compromettre plusieurs élections jusqu’ici réputées faciles. Les amis éclairés du ministère, dans leurs supputations électorales les plus favorables, ne vont pas au-delà d’un bénéfice net de quinze voix sur la minorité actuelle. On sait que les espérances étaient tout autres il y a deux mois : nous verrons ce qu’elles seront dans six semaines.

Nos prévisions sur les facilités que rencontrerait le bill des céréales à la chambre des lords ont pu sembler un moment trompées par l’événement. La guerre, énergiquement engagée par lord Stanley est une difficulté grave, et nous ne méconnaissons aucun des obstacles que la mesure pourra rencontrer encore en comité. Elle vient déjà de traverser, à une majorité de 47 voix, l’épreuve de la deuxième lecture. Tout n’est pas dit sans doute, car les 73 procurations dont dispose le cabinet ne lui seront d’aucune utilité dans les délibérations qui vont s’ouvrir sur les articles, puisque les usages de la pairie interdisent d’en faire emploi en comité ; mais les raisons déduites par le duc de Wellington avec cette netteté raide et inflexible qui caractérise la manière de l’illustre général, ces raisons qu’un seul homme peut-être était assez fort pour donner en face à la fière aristocratie britannique, pèseront de tout leur poids sur les intérêts et sur les consciences. On comprendra qu’il serait téméraire d’avancer là où le duc de Wellington recule, et, après des protestations plus ou moins vives, on se résignera, pour rester un pouvoir constitutionnel, à subir l’avis et la loi des deux entres.

Les événemens que nous avions prévus éclatent dans l’Amérique du Nord. La guerre est officiellement déclarée au Mexique, l’armée et la flotte de l’Union vont recevoir des accroissemens notables, et la république se trouvera ainsi à la tête de forces imposantes, lorsque le moment arrivera de traiter avec l’Angleterre de la situation définitive de l’Orégon. Ces forces seront à peu près inutiles pour triompher du Mexique, où la guerre civile et l’anarchie ouvrent les voies à l’invasion étrangère et préparent un démembrement. Une foule de questions maritimes vont surgir des hostilités, car le pavillon mexicain couvrira de nombreux