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honoré en défendant à son tour la Comédie-Française des injustes reproches dont elle est l’objet. M. le ministre de l’intérieur a reconnu l’insuffisance de la dotation de notre premier théâtre ; il a pris l’engagement de demander à la chambre l’année prochaine un crédit pour l’augmenter, Les paroles prononcées par le ministre sont un gage qui doit rassurer la littérature dramatique.

Un grave document a été soumis ces jours-ci à l’appréciation du sentiment public ; nous voulons parler de l’acte d’accusation relatif à l’attentat de Fontainebleau. Nous ne croyons manquer à aucune convenance en disant qu’il a suscité quelque étonnement chez les magistrats qui considèrent comme leur premier devoir de rester, dans l’exercice de leurs fonctions, étrangers à toutes les passions qui s’efforcent de les circonvenir. Que la commission d’instruction se livrât aux recherches les plus longues et les plus minutieuses pour arriver à découvrir les complices secrets ou les incitateurs de Pierre Lecomte, c’était son premier devoir, et nous lui rendons la justice de reconnaître qu’elle l’a complètement rempli ; mais, lorsque toutes les perquisitions ont été vaines, et qu’on est en face d’un crime d’autant plus hideux qu’il n’est expliqué par aucun fanatisme, donner à entendre que la vérité a pu échapper à la justice, et prendre soin de justifier ainsi une polémique dont la magistrature, dans son impassibilité, a dû ignorer jusqu’à l’existence, c’est là ce qui éveille des scrupules que nous partageons pour notre compte, et ce qui ne paraît pas, même au Luxembourg, avoir rencontré une adhésion unanime.

Nous ne parlerons pas de l’évasion du prince Louis-Napoléon comme d’un événement politique. La liberté de ce singulier prétendant n’est pas plus un péril pour l’ordre public que sa captivité n’était une garantie. Nous pouvons regretter qu’une grace spontanément accordée n’ait pas fait peser sur la tête du fils de Louis Bonaparte le poids d’une reconnaissance à laquelle il lui serait devenu impossible de se dérober ; mais nous devons reconnaître que le prisonnier de Ham n’a rien fait pour la provoquer, et qu’il ne pouvait imputer qu’à lui-même la prolongation de sa captivité. C’est l’impression qui résultera pour toutes les consciences droites de la lecture de l’écrit apologétique publié, au nom du prince, par M. Poggioli. Un projet de lettre au roi avait été rédigé par quelques députés et adressé à Louis-Napoléon par l’honorable M. Odilon Barrot dans le courant du mois de janvier dernier. Ce projet avait été officieusement concerté avec M. le ministre de l’intérieur, et celui-ci s’était engagé à provoquer la grace du prisonnier, si la lettre convenue était adressée à la couronne ; le prince s’est refusé à la signer, quoique son honneur n’y fût pas moins ménagé que les convenances. Il devenait dès-lors difficile d’octroyer une faveur qu’on persistait à ne pas demander. Nous espérons que le prince Louis aura profité de sa trop longue captivité pour calmer son imagination, car il suffit de respirer l’air de France, même derrière les murailles d’une prison, pour être bientôt convaincu que, de toutes les tentatives, la moins redoutable autant que la plus folle serait celle qui tendrait à réveiller dans le pays le souvenir et les traditions de l’empire.

La chambre a ordonné l’impression des pièces déposées à ses archives sur les affaires de Syrie, et le débat sur cette question a été renvoyé au budget annexe des chancelleries consulaires. M. de Lamartine, rétabli de sa longue indisposition,