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Les conciles, ces assemblées nationales de la chrétienté où s’était réfugié ce qui restait de la liberté de discussion, faisaient entendre aussi contre les puissans de la terre des plaintes et même des menaces. Dans celui qui se tint à Clermont en 1130, les évêques témoignèrent leur indignation contre « l’habitude criminelle et destructive des incendies, » et montrèrent le châtiment suspendu sur la tête des coupables. Au concile de Reims, le diacre Pierre, parlant au nom du pape Léon IX, fait une satire violente des mœurs des seigneurs laïques et même du clergé transfuge : « Les prêtres et les moines abandonnent leurs habits religieux pour se livrer à la guerre et au pillage ; les laïques s’emparent des églises et des autels, et en perçoivent les revenus ; ils quittent leurs épouses pour des plaisirs adultères. Bien plus, l’antique Sodome semble renaître de sa cendre. »

Il ne fallait pas toujours d’aussi graves motifs pour exciter l’indignation de ces respectables assemblées. Elles descendaient quelquefois aux caprices de la satire, et critiquaient, non plus les vices, mais les travers de la société.

Foulques le Rechin, comte d’Anjou, viveur déterminé et mari infortuné de la fameuse Bertrade, pour qui Philippe Ier se fit excommunier, avait contracté, dans le cours de ses exploits gastronomiques, des protubérances qui lui rendaient les pieds difformes. Il s’empressa d’adopter et de mettre à la mode des souliers d’une forme extravagante, qu’on appela alors des pigaces, et plus tard des chaussures à la poulaine. La partie antérieure se relevait en pointe plus ou moins longue. Chez les gens du commun, cette excroissance n’avait qu’un demi-pied ; les riches la portaient d’un pied ; les princes allèrent jusqu’à deux : chacun mesurait son pied à la dignité de sa personne, et la hauteur de sa pigace était celle de ses prétentions. Aussitôt pontifes et conciles s’armèrent contre ce ridicule. Le synode de Nîmes, en 1284, défendit de défigurer l’image de Dieu. Urbain V interdit les pigaces sous les peines les plus sévères, et le roi Charles V donna force de loi au bref du saint-père en défendant, en 1365, à tous les cordonniers du royaume de faire à ses sujets des souliers plus longs que leurs pieds.

La tête attira également l’austère vigilance de l’autorité ecclésiastique. Les Grecs et les Romains avaient porté les cheveux courts ; les Gaulois s’étaient distingués par la longueur de leur chevelure ; chez les Francs, de longs cheveux étaient le signe du commandement. Raser la tête des Français n’était donc pas chose indifférente et puérile, c’était les arracher aux traditions barbares, et les soumettre aux habitudes de la société latine, c’était le signe extérieur de la transformation réelle que le clergé avait accomplie. Radhode, évêque de Noyon et de Tournay, qui mourut en 1097, fut le premier qui, les ciseaux en mains, marcha à cette nouvelle conquête. Il profite d’un temps d’épidémie, il prêche, il cite saint Paul, et plus de mille jeunes lions picards consentent à faire couper leurs crinières. L’évêque normand Serlon coupa de sa main la royale chevelure de Henri Ier. Le concile de Rouen, en 1096, menace d’excommunier quiconque laissera croître ses cheveux ou sa barbe. Les imaginations se frappent : un militaire,