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pays froids, est une expression tous les jours employée, et qui n’est fausse que par sa généralisation trop absolue, car parmi les habitans des contrées tropicales, par exemple, il en est qui, vivant sur de hautes montagnes dans le voisinage des neiges éternelles, supportent des températures plus basses que celles de nos régions tempérées. Au reste, tous les zoologistes se sont accordés avec les botanistes pour attribuer à l’action de la chaleur seule quelques-uns des faits les plus généraux qui ressortent de la distribution géographique des êtres organisés. Aussi devons-nous accorder à cette action une attention toute particulière.

Nous ne connaissons aucun point du globe rendu complètement inhabitable par un excès de chaud ou de froid. Plus la température s’élève, et plus elle favorise le développement de la vie organique, pourvu qu’une humidité suffisante vienne en aide à la chaleur. Sous le ciel brûlant des tropiques, le règne végétal déploie sans cesse une incroyable fécondité, et les espèces animales sont tout aussi nombreuses que les végétaux. Un excès de froid, au contraire, peut resserrer, sinon tarir complètement, les sources de la vie ; mais si les neiges éternelles semblent d’abord être pour la végétation une infranchissable barrière, si les plantes à organisation complexe ne peuvent croître sous leurs masses glacées, leur surface n’en nourrit pas moins des myriades d’êtres microscopiques qui savent y trouver leur nourriture. Les neiges colorées, recueillies par plusieurs observateurs, soit dans le voisinage des pôles, soit sur les plus hautes montagnes, doivent leurs teintes variées, soit à ces protococcus qu’on peut regarder comme les derniers des, champignons, soit à des infusoires ou à des rotateurs de diverses espèces. Pendant son voyage au pôle nord, le capitaine Parry a recueilli sur la glace même, bien au-delà du 82e degré de latitude, un puceron vivant que le vent avait sans doute apporté des côtes les plus voisines ; distantes d’environ trente-trois lieues. Pendant le rude hivernage du même voyageur à l’île Melville, alors que le mercure restait constamment gelé, les chasseurs de l’Hécla et du Griper tuèrent aux environs de Winter-Harbour 3 bœufs musqués, 24 rennes, 68 lièvres, 53 oies, 59 canards et 144 ptarmigans. Enfin les insectes, ceux surtout de la famille des culicides, semblent s’étendre bien avant vers les pôles. Ces régions glacées ont aussi leurs mousquites, et ce fait s’explique très bien par la brièveté de la vie chez les cousins. Leurs germes, endormis dans l’ouf, résistent beaucoup mieux que les animaux eux-mêmes aux froids les plus excessifs ; le moindre rayon de soleil en amène l’éclosion, et le court été des régions polaires suffit à ces insectes pour parcourir toutes les phases de leur existence éphémère.

Malgré la puissance de réaction dont nous venons de citer d’incontestables