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des animaux à la surface du globe devait dépendre en premier lieu de deux grandes causes, la nature propre des espèces et l’action exercée sur elles par le monde extérieur. Ces deux causes sont dans un rapport évident de réciprocité. La seconde peut seule satisfaire aux exigences résultant de la première pour ce qui touche à l’entretien et à la propagation des individus. Ici nous rencontrons tout d’abord un exemple frappant de ces dépendances successives qui relient les unes aux autres les parties les plus diverses de la création. On sait que parmi les animaux les uns sont destinés à se nourrir de chair, et les autres de végétaux. Or, l’existence des espèces carnivores suppose celle des herbivores, chargées d’extraire des plantes les principes alibiles que celles-ci ont empruntés à l’atmosphère ; mais les animaux carnassiers ne mangent pas indistinctement tous les herbivores, et par conséquent certaines espèces ne peuvent habiter que là où se trouvent ceux de ces derniers qui leur offrent une proie convenable. Les herbivores, à leur tour, sont astreints à faire un choix parmi les végétaux, et par cela même certains d’entre eux se trouvent exclus des contrées où ne croissent pas les espèces végétales appropriées à leur nourriture, sont confinés dans les régions où celles-ci se développent. Or, la répartition des végétaux dépend de bien des circonstances parmi lesquelles la nature du sol joue un rôle important. Ainsi, par l’intermédiaire du règne végétal, le règne minéral exerce une influence incontestable sur la distribution géographique des animaux.

Il est probable que tous les agens physiques exercent une action quelconque sur les êtres organisés ; mais cette action est difficilement appréciable de la part du magnétisme et de l’électricité. La lumière elle-même, si puissante, si active dans le règne végétal, ne paraît jouer qu’un rôle assez secondaire dans le règne animal. Tout au plus détermine-t-elle le genre de vie de certaines espèces, à qui leurs habitudes ont mérité l’épithète caractéristique de nocturnes. C’est encore elle peut-être que fuient d’une manière absolue deux animaux fort singuliers, appartenant, l’un à la classe des reptiles, l’autre à la classe des poissons. Le premier est le protée, qui ne s’est encore rencontré que dans les lacs souterrains des immenses cavernes de la Carniole ; l’autre est le pimélode des cyclopes, dont quelques rares individus, égarés pendant la nuit, ont été pêchés au pied du Cotopaxi ou du Tongaragua, et qui est vomi par milliers au milieu d’une boue argileuse lors des éruptions de ces volcans.

L’influence de la chaleur est au contraire tellement évidente, qu’elle masque, pour ainsi dire, celle de tous les autres agens, et qu’on s’est habitué à la regarder comme l’unique cause de la distribution géographique des êtres organisés. Plantes ou animaux des pays chauds, des