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vérité d’expérience. Tous les faits recueillis dans les mines, toutes les observations qu’ont permis de faire les forages de puits artésiens, s’accordent en outre pour démontrer que la température s’élève très rapidement à mesure qu’on s’enfonce dans l’intérieur du globe. Pour chaque vingt-cinq ou trente mètres, le thermomètre monte d’un degré, et, en admettant avec M. Cordier que cet accroissement de température reste toujours proportionnel à la profondeur, il s’ensuit qu’à moins de vingt-cinq lieues de nous, les roches les plus réfractaires sont en pleine fusion. La couche qui nous porte a donc tout au plus 1/120 du diamètre terrestre. Cette couche n’est, à proprement parler, qu’une pellicule dont l’épaisseur, relativement aux dimensions du globe, est à peine comparable à celle que présente la portion colorée de l’écorce d’une orange relativement au fruit.

A l’aspect de ces résultats, on est involontairement porté à regarder la masse incandescente dont nous sépare une si faible barrière comme devant exercer la plus grande influence sur la température de la surface terrestre. Telle était en effet l’opinion des savans du dernier siècle, Mairan, Buffon, Bailly, ont cru que le feu central entrait pour les 28/29es en été, pour les 399/400es en hiver dans la totalité de la chaleur qui nous environne. Ils admettaient ainsi de la part de la terre un rayonnement énorme, et Buffon avait cru pouvoir calculer, d’après ses expériences sur des boulets rougis, l’époque où toute vie organique disparaîtrait de la surface du globe par suite de son refroidissement graduel. Fourier a démontré que c’étaient là autant d’erreurs. Cet illustre physicien a montré que, grace au peu de conductibilité des masses solides dont se compose l’enveloppe terrestre, un intervalle de quelques lieues serait suffisant pour rendre inappréciable pendant vingt siècles l’impression de la chaleur la plus intense ; il a prouvé que l’irradiation de la chaleur centrale n’entrait que pour 1/30e de degré dans la température de l’atmosphère, et cette perte est tellement peu considérable, que pour fondre une couche de glace de trois mètres d’épaisseur, en n’employant que la chaleur dégagée par le globe terrestre, il ne faudrait pas moins d’un siècle entier. Ainsi, comme l’a dit si énergiquement M. Arago, tous les changemens que devait subir la surface de la terre sous le rapport de la température sont accomplis à 1/30e de degré près, et la congélation de notre planète, fixée par Buffon à 93291 ans du jour où il écrivait, n’est qu’un rêve qui ne s’accomplira jamais.

A mesure que la température propre de la terre diminuait, ou plutôt à mesure que le feu central, de plus en plus resserré sous sa voûte de pierre, agissait moins sur la surface de notre planète, son action, jadis toute-puissante, était remplacée par une influence nouvelle. Le soleil, cette étoile centrale où s’était condensée la plus grande portion de la nébuleuse, mère de notre système entier, prenait chaque jour plus