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de détail, l’anatomie du larynx des oiseaux, de la langue et du cœur du crocodile ; l’analyse chimique des gaz renfermés dans la vessie natatoire des poissons ; des recherches sur la respiration aquatique ; des observations de cyanométrie recueillies à dix-neuf mille pieds au-dessus du niveau de la mer sur le Pichincha ou le Chimborasso ; des descriptions de plantes, d’animaux inconnus jusqu’à lui : tantôt ce sont des ouvrages considérables, entre autres, l’Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, que par un juste sentiment de reconnaissance il dédie au souverain, alors prisonnier de la France, qui au temps de sa puissance avait rendu possible l’exécution de ses projets ; l’historique de ses voyages, où se trouvent abordées les questions les plus diverses et les plus difficiles, depuis la géographie des plantes et les lois de la distribution du magnétisme et de la chaleur terrestre jusqu’aux origines des peuplades américaines et à la discussion archéologique de leurs monumens ; puis enfin ces Tableaux de la nature, pages éloquentes où, dans un style qui rappelle celui de Buffon, il cherche à rendre plus accessibles les grandes questions de la science et à nous faire comprendre les magnificences de la création intertropicale.

La science la plus étendue, l’activité la plus infatigable, n’auraient pas suffi à M. de Humboldt pour mettre en œuvre les matériaux sans nombre qu’il avait apportés. Il appela à son secours des hommes spéciaux, et leur ouvrit avec une générosité trop rare toutes ses collections de botanique et de zoologie. Le compagnon de ses courses lointaines, Bonplan, était reparti. M. de Humboldt le remplaça par Kunt, un des botanistes modernes les plus distingués. L’illustre Latreille, le père de l’entomologie moderne, se chargea de décrire les insectes ; M. Valenciennes, qui, bien jeune encore, débutait pour ainsi dire dans la science, eut en partage les poissons et les mollusques. Quelques-uns des points les plus obscurs de la zoologie furent confiés à Cuvier, qui, par ses Recherches anatomiques sur les reptiles douteux, nous fit le premier connaître avec détail la singulière organisation de la sirène, du protée et de l’axolotl, êtres étranges qui réunissent certains caractères de l’embryon à ceux des animaux parfaits. Au reste, chacun de ces naturalistes retira de son travail toute la part d’éloges qui lui était due ; car, bien loin de spéculer sur le labeur d’autrui, comme quelques hommes, abusant d’une position élevée, n’ont pas rougi de le faire, M. de Humboldt a toujours distingué religieusement, par des têtes de chapitres signées, ce qui lui appartenait en propre de ce qui revenait à ses collaborateurs.

Cependant, au milieu de cette vie occupée que se disputaient la science et les plus honorables amitiés, M. de Humboldt ne perdait pas de vue ses premiers projets de jeunesse. Déjà, accompagné de M. Valenciennes, qui devait remplacer Bonplan prisonnier dans le Paraguay,