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à la convention des limites ? À quelle influence faut-il attribuer la suppression du traité de commerce, et qui doit en supporter la responsabilité ?

Nous ne ferons aucune difficulté de reconnaître que M. le ministre des affaires étrangères a répondu à ces questions, posées depuis long-temps devant le pays et devant la chambre, par des raisons plausibles. La convention commerciale d’Ouchda, annexe improvisée de l’acte de délimitation, aurait été conclue sans pouvoirs suffisans ; elle a été instantanément et spontanément désavouée par l’empereur du Maroc, qui a emprisonné son plénipotentiaire. Celui-ci, en effet, aurait, d’après les assertions de M. le ministre des affaires étrangères, stipulé une sorte de liberté complète d’échanges entre les territoires limitrophes de l’Algérie et du Maroc, sans tenir compte des conventions antérieures qui lient la cour de Fez à l’Angleterre et à l’Espagne, et par lesquelles le Maroc s’est obligé à accorder aux sujets anglais et espagnols le traitement de la nation la plus favorisée. Il suivrait de là que la liberté commerciale stipulée au profit de la France, trafiquant par ses frontières de terre avec les provinces limitrophes du Maroc, devrait s’étendre à d’autres puissances faisant pénétrer leurs marchandises par tous les points de la frontière maritime, que les tarifs de douane se trouveraient supprimés, et l’empire privé de tous ses revenus. M le ministre des affaires étrangères a offert à la chambre des communications de pièces tendant à établir que telle est en effet la portée de la convention que l’empereur a refusé de ratifier, et les honorables orateurs n’ont pas insisté davantage sur une question à laquelle la situation générale des affaires entre l’Algérie et le Maroc a fait perdre pour le moment une partie de son intérêt.

Le débat soulevé par M. Thiers, sur les affaires de la Plata, a pris des proportions plus considérables, et suscitera dans le pays des émotions autrement vives. Chacun reconnaît que l’immixtion de la France dans les différends survenus entre les deux républiques aussi bien qu’entre les partis qui les divisent a été non moins funeste pour nos intérêts que pour ceux de ces populations elles-mêmes. C’est le legs d’un long passé, subi par un grand nombre de cabinets, c’est le tort d’agens sans prévoyance ou sans lumières. Notre action, continue et toujours impuissante dans ces lointains parages, nous a conduits à la triste nécessité d’abandonner des alliés auxquels nous avions mis les armes à la main, et à l’extrémité plus cruelle encore de livrer sans secours nos propres compatriotes aux cruautés d’un barbare. On a vu la France, comme l’a rappelé si éloquemment M. Thiers, contrainte de délaisser la république de Montévidéo, poussée par elle dans la lutte, et de proclamer la dénationalisation de ses propres sujets combattant pour une cause à laquelle étaient liés tous les intérêts de leur existence, et qui avait reçu la sanction solennelle des représentans du roi : position humiliante et déplorable pour un grand pays. Quoi qu’il en soit des fautes commises dans le passé, ces fautes n’imposent pas moins des devoirs dans le présent, car les gouvernemens ne sont pas moins obligés par l’effet de leur imprévoyance que par leur propre initiative. Aussi la France a-t-elle tressailli tout entière lorsqu’à la fin de la session dernière l’honorable M. Thiers vint exposer l’état de l’héroïque légion qui avait fait le plus grand des sacrifices en renonçant à la cocarde nationale, et qui mourait décimée par la famine et par la fusillade en saluant la patrie d’un dernier regard. Le sentiment