Il y a de la grace, de l’élégance, dans une statue de la Mélancolie, de M. Corporandi. La pose est naturelle et plaît par son abandon ; mais on souhaiterait dans la forme du corps plus de précision et de réalité. Je ne conseille pas à M Corporandi de copier littéralement tous les détails que pourra lui offrir le modèle vivant ; il fera bien toutefois de le consulter avec plus d’attention, car le torse et les membres de sa figure, qui présentent un ensemble de lignes harmonieux, sont exécutés dans un style qui manque de richesse et d’ampleur. En simplifiant les détails, il n’a pas su s’arrêter à temps. Dans ce travail de simplification, qui peut conduire à la beauté, il faut prendre garde d’appauvrir le modèle. C’est un danger que M. Corporandi n’a pas su éviter. Cependant, malgré cette faute, dont la gravité ne peut être méconnue, il y a dans cet ouvrage un mérite de composition que la critique doit signaler. Que l’auteur comprenne mieux désormais quels détails il doit omettre, quels détails il doit respecter. La limite, je le sais, est difficile à saisir ; mais l’étude comparée des beaux modèles que la nature nous présente et des belles œuvres que l’antiquité nous a laissées est un guide qui ne peut tromper. Dans les fragmens les plus précieux et les plus justement admirés de la sculpture grecque, les détails ne manquent pas, ils ne sont pas tous effacés, mais ils ont été triés avec un goût sévère, et le marbre est vivant, quoiqu’il ne reproduise pas tous les accidens de la réalité. Il reproduit les détails principaux, et cela suffit pour lui donner du mouvement, pour l’animer.
Un buste de femme, de M. Auguste Barre, offre des parties finement étudiées. Les yeux regardent bien, et les lèvres ont de la souplesse. On voit que l’auteur s’est efforcé de reproduire autant qu’il était en lui le modèle qu’il avait choisi. C’est un travail exécuté avec persévérance, et ce mérite est aujourd’hui assez rare pour que nous prenions la peine de le signaler. M. Barre a voulu donner à son œuvre une réalité complète, et, comme il s’agit d’un portrait, cette volonté peut être accueillie avec indulgence. Cependant il y aurait de l’avantage à simplifier plusieurs détails sans toutefois les effacer. Tel qu’il est, ce portrait se recommande d’ailleurs par des qualités solides.
Le buste d’Artot, de M. Desprez, n’a guère d’autre mérite que la ressemblance. Ce mérite paraîtra peut-être suffisant à ceux qui ont connu personnellement le modèle que M. Desprez avait à représenter. Quant à moi, je l’avoue, je ne saurais m’en contenter. D’ailleurs, cette ressemblance a quelque chose de mesquin. Quand il s’agit de reproduire les traits d’un artiste ou d’un poète, il faut choisir le moment où sa physionomie exprime l’enthousiasme ou la rêverie. Or, c’est ce que M. Desprez n’a pas fait. Quand Artot était applaudi comme il méritait de l’être, son visage, qui n’était pas régulièrement beau, s’animait, s’illuminait, et prenait un caractère nouveau. Peut-être M. Desprez n’a-t-il pas été témoin