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l’article 12 aux îles situées entre Singapore et Sumatra, il n’en sert pas moins à mettre en lumière l’esprit du traité et les justes appréhensions de la Hollande contre des envahissemens futurs.

Jusque-là aucun droit actif au profit des Hollandais, aucune garantie pour le commerce, ne paraissent émaner de la convention de 1824 ; mais un autre article, l’article 4, leur apporte toutes les sécurités nécessaires, s’ils veulent en user. Sans doute il ne suffit pas pour éloigner les Anglais de Laboan : il serait fâcheux qu’il fût un empêchement à la répression des brigandages de la Malaisie ; il suffit seulement pour sauvegarder la liberté des relations commerciales ; il suffit à la Hollande pour demander à l’Angleterre des explications sur ses projets et surveiller les mesures employées contre les pirates. L’article stipule en effet que des ordres seront transmis aux autorités civiles et militaires, aux commandans des vaisseaux de guerre, pour qu’ils respectent la liberté des indigènes, et n’empêchent en aucun cas une libre communication des naturels de l’archipel oriental avec les ports respectifs des deux peuples. De là, pour la Hollande, le droit de s’assurer que la répression des brigands ne couvrira point des vues intéressées et ne tendra point à concentrer entre les mains des Anglais tous les profits du commerce indigène. En dernière analyse, l’occupation de Laboan, sans violer le traité de 1824, rompt l’équilibre qu’il avait établi, et, pour le moins, elle autorise les Hollandais à user avec une extrême sollicitude des garanties qui leur ont été conférées au prix des plus larges sacrifices.

Quant à la France, quels doivent être son rôle et son attitude au milieu du mouvement qui s’empare de la Malaisie, et qu’accroîtront chaque jour davantage les développemens du commerce européen dans les mers de la Chine ? Doit-elle en rester le témoin immobile, ou chercher, au contraire, à s’y associer ? Convient-il à ses intérêts de pénétrer elle-même dans ces parages et de s’y établir ? Elle s’est installée sur quelques îlots, à une autre extrémité de l’Océanie. Aujourd’hui c’est bien loin de l’archipel de la Société et des Marquises, c’est dans les îles situées entre les côtes de la Chine et de la Nouvelle-Hollande, que surgissent de nouveaux intérêts et que s’offre une carrière immense et féconde. Irons-nous prendre part à l’œuvre qui commence ? Notre temps, on l’a dit avec raison, n’est pas enclin aux entreprises lointaines. En ce moment plus que jamais, on trouve mille bonnes raisons pour rejeter les projets de conquêtes éloignées, avec des dépenses certaines et des avantages douteux. Mieux vaut, sans aucun doute, exercer nos forces et dépenser notre argent sur notre propre sol ou à nos portes, Cependant la sagesse et le bon calcul n’excluent pas l’action : ils la commandent au contraire ; mais ils veulent une action réfléchie, intelligente,