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attaquer ouvertement. La tribu des Illanuns est remarquable par la beauté de sa race. Ces hommes athlétiques et robustes ne croient qu’à la force ; ils se montrent amis ou ennemis, au gré de leur intérêt du moment. Ils habitent vers le nord-est de Borneo, ils ont de nombreuses flottes, et s’en vont rôder, vers Singapore et les détroits, sur la route du commerce des îles. Les Balagnini, tribu plus féroce encore, résident habituellement sur quelques îlots situés dans le voisinage de Soulou, où ils viennent vendre leur butin. Ils sont placés sous la dépendance du sultan de Borneo, dépendance purement nominale, qui ne les embarrasse guère. Leurs flottes font souvent le tour de l’île, visitent Célèbes, Gilolo et les autres Moluques, et même la Nouvelle-Guinée, où elles enlèvent des esclaves de la race papoue, à la chevelure laineuse, particulièrement estimés des Bornéens. Quand les Balagnini approchent d’un navire, ils se servent, pour attaquer leurs ennemis, de longues perches munies d’un crochet court et aigu. A l’aide de cet instrument, manié avec une agilité extrême, ils enlèvent les hommes et les attirent, soit dans la mer, soit sur leur bord. Quelquefois plusieurs tribus se réunissent afin d’agir de concert, et parviennent à former des flottes de plus de cent prahus, montées par plus de deux mille cinq cents hommes.

Les Sakarrans et les Sarebus, résidant à l’embouchure des rivières du même nom, étaient puissans et redoutés avant les dernières expéditions des Anglais. Ils se distinguent des autres peuplades dyaks par la coutume bizarre de porter à leurs oreilles une énorme quantité d’anneaux de différentes grandeurs. Ils aiment beaucoup, du reste, les ornemens de tous genres, sans faire preuve d’aucun goût dans leur grotesque parure. Ils se coiffent de toques de drap rouge, tantôt carrées, tantôt pointues, tantôt garnies de bords retroussés. Une touffe de cheveux rouges ou noirs, des coupons de drap ou des plumes, ornent ce capuchon bizarre. Leur coiffure devient encore plus ridicule par l’usage de couper les cheveux en suivant les sinuosités du bonnet, en sorte qu’au moindre déplacement on aperçoit le crâne chauve et nu. Une fois sur leurs prahus, ces hommes, si puérils dans leur ajustement, développent les qualités les plus mâles, l’audace, le mépris de la souffrance et de la mort. Après une rencontre avec les pirates, les Anglais s’emparèrent un jour d’un bateau sur lequel gisait, blessé mortellement, un jeune chef dyak. Plusieurs balles l’avaient frappé à la tête et à la poitrine. Ce chef n’en gardait pas moins un air hautain et vraiment héroïque. Il essayait de parler comme s’il avait eu quelque chose d’important à dire, et le sang, étouffant sa voix, arrêtait sur ses lèvres expirantes une parole de vengeance ou un dernier adieu d’amour. Quand il sentit arriver le moment fatal, il croisa tranquillement les bras sur sa poitrine ensanglantée, et, détournant les yeux des étrangers dont il