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dans l’intérieur de l’île, les peuplades errantes et insoumises, participant, sur les côtes, à la vie aventureuse des pirates. Les hommes n’épousent qu’une femme, et seulement à l’âge de dix-sept ou dix-huit ans. La cérémonie des noces est curieuse. Ce n’est pas qu’il s’y révèle rien de cette poésie primitive et symbolique qu’on remarque chez les nations barbares ; mais, malgré sa bizarrerie, la solennité qui l’accompagne, l’accomplissement de certaines formalités consacrées, prouvent que le mariage est regardé comme un acte saint, important dans la vie. On voit même poindre entre les époux l’idée de la communauté. Dans la tribu des Sibnowans, par exemple, le jour des noces, le fiancé et la fiancée sont conduits processionnellement à la salle commune des réunions de la tribu ; là, on place sur le cou du mari un couple de poulets qu’il fait pirouetter sept fois autour de sa tête ; puis, on tue les poulets, et, après avoir arrosé de leur sang le front des époux, on les prépare pour le marié et la mariée, qui les mangent seuls ensemble, tandis que le reste de la compagnie mange et boit à l’écart durant toute la nuit. Les femmes dyaks sont généralement fidèles à leur mari. Les Malais même rendent hommage à leur chasteté et n’en parlent qu’avec respect, Cette vertu, si rare partout, et principalement parmi les sauvages des régions de l’équateur, est un signe de force et un gage d’avenir pour la race dyak. Le plus grand obstacle au développement d’une société barbare, comme le signe le plus sûr de la décadence d’une société civilisée, n’est-ce pas le dérèglement des mœurs ? Si le concubinage et l’adultère, qui énervent un peuple en dissolvant la famille, restent des faits exceptionnels parmi les peuplades de Borneo, on peut être certain de leur avènement à un état social plus élevé. Dieu veuille qu’au contact de l’Europe, elles ne prennent pas nos vices avant de recevoir nos lumières ! Les femmes dyaks ignorent encore aujourd’hui cette pudeur qui naît de la conscience du mal, qui devient ensuite un attrait, et dont nous avons fait une vertu. Elles se baignent toutes nues, sous les regards des étrangers, sans songer même à en ressentir de la honte. La chasteté des temps primitifs les affranchit de la décence. Elles sont, en général, beaucoup mieux faites que les hommes. Par un air engageant, des manières prévenantes, une expression de gaieté répandue sur leur visage, elles inspirent naturellement la sympathie et l’intérêt.

Dans toutes les tribus, les femmes sont chargées de la besogne intérieure et prennent ensuite leur part au dehors de travaux assez rudes. Elles broient le riz, portent des fardeaux, vont à la pêche et travaillent aux champs. Il est rare qu’elles ne mangent pas dans la compagnie des hommes. Sous beaucoup de rapports, leur situation en face de leur mari et de leurs enfans ressemble à celle des femmes européennes. Aussi l’état des Dyaks, quoique sauvage, nous paraît-il renfermer plus d’élémens d’amélioration que l’état à demi civilisé dont les Malais se