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l’autorité de la maison de Guise en Dauphiné par quelque voie que ce fût, pourvu que la chose réussît ; que, s’il ne pouvait pas trouver des forces à lui opposer parmi les catholiques, il pouvait en prendre parmi les huguenots ; que ce n’était pas, à proprement parler, une affaire de religion, mais une affaire politique. »

Le baron des Adrets accepte de détruire ; par quelque voie que ce fût, le duc de Guise, c’est-à-dire le parti catholique, puisque le duc en est le chef, et il devient, pour prix de cette résolution, « seigneur des Adrets, gentilhomme ordinaire de la chevalerie du roi, colonel des légionnaires du Dauphiné, de Provence, du Languedoc et d’Auvergne ; élu général en chef des compagnies assemblées pour le service de Dieu, la délivrance du roi et de la reine, et conservation de son état dans ledit pays. »

On ne demandera pas si le baron des Adrets se souvint du capitaine La Coche, quand il eut reçu les pleins pouvoirs de la reine.

— La guerre ! lui cria le baron.

— Me voilà, général, répondit La Coche un peu plus gros encore, si c’est possible, qu’il n’était avant la guerre civile. Et où faut-il la faire, cette guerre du bon Dieu ?

— Tu l’as bien nommée ; c’est la guerre du bon Dieu. Nous la faisons ici.

— Cela m’arrange ; nous économiserons les marches.

— Maintenant, La Coche, tu sais les bons endroits, puisque tu les as couchés par écrit à mon intention.

— A vous y conduire les yeux fermés, baron. Et quand ?

— Tout de suite. Endosse la cuirasse, et en avant !

— En avant ! répéta le petit capitaine La Coche. Allons-nous en aplatir des hérétiques !… Je ne les ai jamais aimés, à vrai dire.

— Comment ! des hérétiques ? Que dis-tu, La Coche ? Il faut s’entendre.

— C’est tout entendu. N’allons-nous pas couper en quatre quartiers ces scélérats de huguenots ?

— La Coche, je vous croyais plus éclairé et plus épris de nos saintes vérités. Tiendriez-vous encore ait vieux parti de la superstition ?

La Coche s’aperçut de son erreur, et il lâcha une grossière bouffée de rire en entendant cette leçon de morale protestante exprimée avec un ton de componction puritaine par le baron, qui ne put non plus retenir le rire dont sa bouche infernale était pleine.

La Coche avait ri comme un diablotin, des Adrets rit comme Satan.

Le baron reprit :

— C’est sur les catholiques, sur ces damnés de papistes, que nous allons dauber.

La Coche laissa voir sur son visage rubicond de chantre de paroisse absolument la même satisfaction que lorsqu’il avait supposé qu’il s’agissait de tuer des protestans.