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— Toi ! qui as pillé, saccagé, brûlé Rome ?

— Il y a si long-temps de cela !

— Alors tu es pour la maison de Lorraine…

— Est-ce qu’elle fait la guerre, la maison de Lorraine ?

— Elle en aurait envie.

— En ce cas, je suis pour elle.

— Oui, reprit le baron, mais la maison de Condé la fera aussi, et elle la fera bien…

— Ah ! elle aussi… alors, baron, mon opinion est que… mais, des deux maisons, quelle est celle qui la fera le mieux ?

— Compte encore une troisième maison qui va la faire, j’espère bien.

— Ah çà ! mais toutes les maisons de France vont donc se battre ?… C’est la guerre civile.

Le baron des Adrets montra le jaune safrané de ses yeux malades, le blanc éblouissant de ses dents et les grosses veines de son long cou maigre dans le sourire qu’il laissa échapper à ces mots du capitaine La Coche : C’est donc la guerre civile ?

— Et quelle est cette troisième maison qui va croiser le fer ?

— Ne parle pas si haut !

— Est-ce qu’on écoute ?

— Non, dit finement le baron, c’est que cela me porte à la tête. — Cette troisième maison est celle de Catherine de Médicis.

— Une bonne maison ! s’écria. La Coche.

— Je crois bien, capitaine. Ainsi, maintenant, tu es de l’opinion de…

— Parbleu ! de celle du roi et de la reine, qui doit mieux faire la guerre que les deux autres maisons… Vive le roi !

— Tu pourrais te tromper, La Coche.

La Coche fut interdit.

— Vous croyez… Seriez-vous pour les Guise ?… Vivent les Guise !… Le baron se tut.

— Pour la maison de Condé ?… Vivent les Condé ! Mais alors, vertubœuf ! vous seriez protestant…

Le baron continua à garder le silence.

— Mais vive qui alors ? demanda le capitaine, dans l’embarras de savoir à quel clou il accrocherait son dévouement, glacé par cette perpétuelle discrétion du baron des Adrets, qui, sans lui répondre, reprit ainsi

— J’ai l’idée que les choses vont changer dans ce pays ;… ce pays est malade comme moi,… il a la fièvre,… mais il ne gardera pas toujours le lit… Il se tourne,… il se retourne… Nos seigneurs prennent parti, les uns pour la cour, les autres pour Condé, les autres pour les Guise… Il n’y a pas d’accord entre eux…

— Il n’y en a jamais eu beaucoup, interrompit La Coche.