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surveillance spéciale. On compte à peu près douze cents frères de cet ordre dans la ville de Constantine et dans les jardins qui l’entourent. Leur nombre augmente à mesure qu’on avance de l’est vers le Maroc. Dans la partie de la province d’Oran où le dernier soulèvement a éclaté, ils forment le fond de la population. Ce sont des khouan de Mouleï-Taïeb qui ont anéanti à Sidi-Ibrahim le petit corps du colonel Montagnac. On a cru remarquer en général que les lieux où cette affiliation est le plus étendue sont ceux où nous rencontrons le plus de résistance.

Un ordre moins important que ceux qui précèdent, parce que son influence ne s’étend pas au-delà du territoire de Constantine, compte dans cette ville environ deux mille frères. Son fondateur se nommait Sidi-Joussef-Hansali. Venu de l’ouest, il s’établit dans une des montagnes qui forment la ceinture de la ville. Le ciel avant couronné sa vertu par le don des miracles, les disciples se groupèrent bientôt autour de lui. Le quatrième de ses successeurs, qui est en exercice aujourd’hui, se nomme Sidi-Hammo-ez-Zouaoui. C’est un personnage vénéré dont l’influence ne paraît pas nous être hostile. Avant la conquête, sa demeure était un lieu de refuge pour les proscrits : les gouverneurs n’auraient pas osé la violer. Aujourd’hui que l’exercice de la justice ne souffre plus d’entraves, la maison du marabout est tout simplement une école où une foule d’enfans reçoivent l’instruction élémentaire, où beaucoup de jeunes gens trouvent, avec une généreuse hospitalité, le complément d’éducation qui doit en faire des savans de profession. Pour être digne de porter la rose de Sidi-Joussef-Hansali, il faut deux fois chaque jour réciter un certain verset du Koran, vingt fois après midi, et vingt une fois après le coucher du soleil. Chacune de ces deux prières doit être terminée par l’invocation suivante, répétée deux cents fois : « O Dieu ! le salut sur notre seigneur et maître Mohammed, et salut ! » On remarquera combien ces formules purement ascétiques, auxquelles aucune idée morale ne peut être rattachée, doivent être à la longue abrutissantes pour l’esprit.

La plus récente de toutes les confréries religieuses de l’Algérie est celle qui reconnaît pour fondateur Sidi-Hamet-Tsidjani. Originaire d’Aïn-Madhi, ville du Sahara algérien, située à quatre-vingts lieues environ au sud-ouest d’Alger, il mourut à Fez il y a moins d’un demi-siècle. Immensément riche, d’une piété exemplaire, d’une générosité inépuisable, disposant d’une clientelle nombreuse, Hamet-Tsidjani ne tarda pas à acquérir dans le Sahara une influence dont les Turcs prirent ombrage : sous l’étalage de sa vertu, on croyait voir des projets d’usurpation. Le dey d’Alger résolut de détruire le prestige en renversant le foyer de la secte nouvelle. Aïn-Madhi est une ville très forte, protégée par une muraille circulaire qui a de dix-huit à vingt-six pieds de hauteur, et de vingt à vingt-quatre pieds d’épaisseur. Une expédition for-