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nord, ni du consulat des villes du midi. Quelques-unes reproduisirent dans le nombre de leurs magistrats électifs des combinaisons analogues à celles qu’avait présentées le régime des curies gallo-romaines ; d’autres affectèrent dans leur constitution un mode uniforme, le gouvernement de quatre personnes choisies chaque année par la généralité des citoyens, exerçant tous les pouvoirs administratifs et judiciaires avec l’assistance d’un corps de notables[1]. Il y avait là des garanties de liberté civile et de liberté politique ; mais, quoique ces villes, moins audacieuses en fait d’innovation, eussent réussi à dégager de ses entraves le principe de l’élection populaire, l’indépendance municipale y demeura sous beaucoup de rapports faible et indécise ; la vigueur et l’éclat furent pour les constitutions nouvelles, pour le régime consulaire et la commune jurée, suprême expression des instincts libéraux de l’époque.

Cette révolution complète, à laquelle échappèrent de vieilles cités municipales, pénétra sous l’une ou l’autre de ses deux formes dans beaucoup de villes de fondation postérieure aux temps romains. Quelquefois même, quand la cité se trouvait côte à côte avec un grand bourg né sous ses murs, il arriva que ce fut dans le bourg, et pour lui seul, que s’établit soit le consulat, soit le régime de l’association jurée[2]. Alors, comme toujours, l’esprit de rénovation souffla où il voulut, sa marche sembla réglée sur certains points, et sur d’autres capricieuse ; ici il rencontra des facilités inespérées, là des obstacles inattendus l’arrêtèrent. Les chances furent diverses et le succès inégal dans la grande lutte des bourgeois contre les seigneurs ; et non-seulement la somme des garanties arrachées de force ou obtenues de bon accord ne fut point la même partout, mais, jusque sous les mêmes formes politiques, il y eut pour les villes différens degrés de liberté et d’indépendance. On peut dire que la série des révolutions municipales du XIIe siècle offre quelque chose d’analogue au mouvement constitutionnel de nos jours. L’imitation y joua un rôle considérable ; la guerre et là paix, les menaces et les transactions, l’intérêt et la générosité, eurent leur part dans l’événement définitif. Les uns, du premier élan, arrivèrent au but ; d’autres, tout près de l’atteindre, se virent ramenés en arrière ; il y eut de grandes victoires et de grands mécomptes, et souvent les plus nobles efforts, une

  1. Les dix prud’hommes d’Orléans et de Chartres semblent une réminiscence du rôle que jouaient les dix premiers sénateurs, Decemprimi, Decaproti, dans la municipalité romaine. Le gouvernement de quatre prud’hommes, qui fut celui de Bourges et de Tours, jouit d’une grande faveur sur une bande de territoire prolongée de l’ouest à l’est dans la Touraine, le Berry, le Nivernais, la Bourgogne et la Franche-Comté ; peut-être y aurait-il lieu de l’envisager comme un troisième type général de constitution révolutionnaire.
  2. On peut citer, pour le premier cas, Périgueux et le Puy-Saint-Front ; pour le second, Tours et Châteauneuf.