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Il est peu de grandes villes européennes où l’on n’ait eu à constater de pareilles améliorations. Voici des chiffres fournis, en 1834, par une statistique allemande, et dont je lui laisse la responsabilité :

A Londres, en 178 ans, la mortalité est diminuée de : un tiers.
A Cambridge, en 10 ans, la mortalité est diminuée de : deux cinquièmes.
A Norfolk, en 10 ans, la mortalité est diminuée de : un cinquième.
A Manchester, en 64 ans, la mortalité est diminuée de : trois cinquièmes.
A Birmingham, 10 ans, la mortalité est diminuée de : deux cinquièmes.
A Liverpool, en 38 ans, la mortalité est diminuée de : moitié.
A Portsmouth, en 11 ans, la mortalité est diminuée de : un tiers
A Berlin, en 72 ans, la mortalité est diminuée de : un quart.

A Rome, 63 ans, la mortalité est diminuée de : moitié.

A Amsterdam, en 64 ans, la mortalité est diminuée de : un sixième.
A Pétersbourg, en 40 ans, la mortalité est diminuée de : deux tiers.
A Vienne, en 80 ans, la mortalité est diminuée de : un quart.
A Stockholm, en 67 ans, la mortalité est diminuée de : un tiers.

Cette prolongation générale de la vie annonce que les sociétés européennes, prises collectivement, s’enrichissent et se fortifient. Ce point de vue offre un spectacle qu’il est impossible de considérer sans un mouvement de satisfaction et d’orgueil. Mais plaçons-nous au point de vue opposé. Est-il moins certain que presque partout on souffre d’une sombre inquiétude, d’un encombrement maladif ; que, chez les deux peuples les plus fiers de leur civilisation, une foule d’hommes sont replongés par la misère dans une sorte de sauvagerie ? Je ne déroulerai pas le sinistre inventaire du paupérisme : on me répondrait que les couleurs du tableau sont exagérées, que les chiffres relatifs au nombre des pauvres sont arbitraires. Il y a un autre moyen de vérifier jusqu’à quel point les classes populaires participent aux acquisitions communes. A en juger par les états du recensement en France, il serait permis de douter que notre pays eût augmenté sa puissance guerrière en proportion du nombre de ses habitans. La moitié des jeunes gens qui sont appelés pour la conscription doivent être réformés pour défaut de taille, pour faiblesse de constitution ou pour infirmités. Une vingtaine de départemens, en tête desquels se trouvent la Dordogne, la Lozère, la Seine-Inférieure, ne parviennent que très difficilement à compléter leur contingent, de sorte que, dans ces localités, les chances de libération n’existent pas pour ceux qui ont le malheur d’être sains et valides. La conséquence de cet affaiblissement de la race française est que la Prusse, où les non-valeurs ne représentent qu’un cinquième, pourrait, avec ses quinze millions dames, mettre en ligne autant