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habitans augmente, parce que plus d’hommes sont conservés ; la nation devient plus forte, parce que plus de citoyens atteignent le développement complet de leur énergie physique et de leur intelligence.

Essayons d’appliquer ces principes à la France. Avant la révolution, le nombre des naissances était approximativement de 1 enfant par 27 individus, et le nombre des décès de 1 sur 30. En traversant la révolution, l’empire, la restauration, pour arriver au régime de juillet, on est frappé d’une amélioration soutenue de période en période. Ainsi, en 1836, sur un groupe de 34 individus, un seul enfant venait au monde, et, sur 41 personnes de tout âge, une seule mourait. En comparant les chiffres fournis par les deux époques, on peut voir que la population, malgré la diminution relative des naissances, a été augmentée par une diminution beaucoup plus grande encore de la mortalité, circonstance qui prouve que la vie moyenne s’est accrue en même temps que le bien-être général[1].

On a souvent cité, comme exemple de la progression du bien-être matériel, les calculs faits sur les tables de mortalité de Genève. Au XVIe siècle, époque de perturbation funeste, la vie probable était, dans cette ville, de moins de 5 ans, et la vie moyenne de 18 ans et demi. Dans le siècle suivant, la probabilité s’élève à 11 ans et demi, et la moyenne à plus de 23 ans : dans le XVIIIe siècle, la vie probable promettait plus de 27 ans, et la vie moyenne plus de 32 ans. Enfin, suivant des calculs faits récemment, la moyenne actuelle s’élèverait à 38 ans. Un travail analogue, appliqué aux tables de la mortalité parisienne pour l’année 1829, m’a donné des résultats assez favorables. A en juger par les résultats de cette année, la probabilité de vie à Paris dépasse 25 ans, et la moyenne de la vie donne près de 34 ans[2].

  1. Le dernier recensement de 1842 donne une proportion un peu moins favorable. Le rapport des naissances est de 1 à 33, et celui des morts de 1 à 39 7/10e : il y a dans ces chiffres un symptôme de malaise qu’il est bon de constater en passant.
  2. Le calcul a été établi d’après les tableaux officiels publiés par la préfecture, et qui s’arrêtent malheureusement à l’année 1836. On a choisi l’année 1829 de préférence aux suivantes, pendant lesquelles l’équilibre a été dérangé par des perturbations accidentelles, comme la révolution de 1830 et le choléra. Tout me porte à croire que de semblables calculs, appliqués à une série d’années, ne donneraient pas de variations sensibles. Or, en 1829, il est mort à Paris 25,324 personnes de tout âge, depuis une semaine jusqu’à 100 ans : le total de leurs âges produit 860,470 années, chiffre qui, divisé par celui des décès, donne en moyenne, par tête, un peu moins de 34 ans