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que sur les grands intérêts de la France au dehors. La discussion spéciale sur l’Afrique est provoquée par le rapport de M. Dufaure, qui n’a pas répondu à toutes les espérances de la chambre. L’honorable ministre du 12 mai ne dit guère, sur la question, que ce que chacun savait déjà ; il ne l’éclaire d’aucun jour nouveau, et se borne à proposer, avec la prédilection paternelle qu’on lui connaît pour cette idée, la création d’un ministère spécial, panacée problématique dans ses résultats, que la chambre ne paraît pas disposée à essayer.

Aucun événement important n’est venu modifier d’une manière notable la situation des choses au dehors. Sir Robert Peel continue ses efforts pour faire passer simultanément son plan financier et le bill de coercition contre l’Irlande. Nous avons dernièrement exposé comment la mesure introduite par le comte de Saint-Germain allait changer et compromettre la position du premier ministre au sein des communes ; peut-être toutefois aurions-nous dû ajouter que ce ne sont pas des embarras gratuits que sir Robert est allé chercher de gaieté de cœur. Assuré du succès de ses mesures économiques à la chambre basse, le moment est venu pour lui de leur frayer les voies au sein de la pairie, où l’opposition tory s’organise d’une manière de plus en plus menaçante. En donnant satisfaction aux rancunes de l’aristocratie anglaise contre la malheureuse Irlande, il a cru la rendre moins hostile, et c’est là un calcul qui a rarement été trompé dans la Grande-Bretagne. Lord Stanley et le duc de Richmond inquiètent aujourd’hui le premier lord de la trésorerie beaucoup plus qu’O’Connell, qu’on dit, du reste, visiblement affaissé, et qui paraît près du terme de sa grande carrière. Des secours abondans ont été dirigés sur l’Irlande ; de nombreuses cargaisons de maïs arrivent dans ses ports. On espère ainsi conjurer la famine, qui serait le plus terrible auxiliaire du vieil agitateur, et, libre de toute appréhension sérieuse de ce côté, le cabinet n’aurait plus qu’à vaincre la chambre des lords. Si ce résultat est obtenu, il sera surtout déterminé par les efforts personnels de la reine, qui seconde la politique hardie de ses conseillers responsables avec une conviction chaleureuse. Une intrigue parlementaire a failli un instant compromettre la politique de sir Robert. Les tories, à bout de voie, ont offert aux membres irlandais d’autoriser l’ouverture immédiate des ports d’Irlande à tous les blés étrangers, à la condition qu’ils s’engageraient à voter contre la mesure permanente que le cabinet entend appliquer à l’Angleterre. La loyauté d’O’Connell et l’active intervention des chefs de la ligue ont déjoué ce calcul aussi déloyal qu’impolitique.

La discussion n’est point encore épuisée dans le sénat américain sur la question de l’Orégon, mais les deux partis semblent de guerre lasse en appeler d’un commun accord à l’épreuve définitive du scrutin. Le prochain arrivage nous en fera connaître le résultat ; mais, quelles que soient les complications actuelles, toute appréhension de guerre immédiate est éloignée. Des deux côtés, on s’efforce d’attirer à soi le président Polk, dont l’intervention serait en effet décisive. Les engagemens pris par celui-ci dans la convention de Baltimore sont de nature à l’embarrasser sans doute, mais il est à croire qu’il préférera un embarras personnel à une difficulté aussi formidable que celle qui sortirait, pour son pays, d’une lutte armée contre l’Angleterre. Selon toute vraisemblance, le compromis demandé par M. Calhoun finira par rallier la majorité, et l’Union renoncera