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Mystères des Égyptiens, à la lacune que laisse dans l’histoire de la philosophie la destruction ou la perte de la plupart des ouvrages de Jamblique. On ne croit plus aujourd’hui, en dépit du témoignage de Proclus, que les Mystères des Égyptiens soient de Jamblique ; mais le livre n’en a pas moins été écrit par un partisan enthousiaste de la théurgie, et il est permis de s’en servir pour apprécier toutes les différences qui séparent la philosophie de Plotin et de Porphyre d’un symbolisme où se trouvent associées les pratiques de l’idolâtrie et les subtilités de la métaphysique.

Les pages que M. Jules Simon a consacrées à l’empereur Julien sont un des meilleurs endroits de son histoire. Dans le XVIIIe siècle, on jugeait Julien avec une faveur extraordinaire. Voltaire, le grand Frédéric, le marquis d’Argens, semblaient animés, à l’égard du neveu de Constantin, du même engouement que les philosophes d’Athènes et d’Alexandrie. Montesquieu lui-même, qui d’ordinaire garde dans ses jugemens une si ingénieuse mesure, s’est échauffé jusqu’à dire qu’il n’y a point eu après Julien de prince plus digne de gouverner les hommes. Cela est excessif. Nous n’avons pas besoin aujourd’hui de ces exagérations : nous n’estimons pas nécessaire de répondre aux clameurs dont les historiens de l’église ont poursuivi Julien par des louanges hyperboliques. Il nous suffit de rester dans les limites du vrai et de maintenir les droits de l’histoire. Julien n’a été ni le plus grand ni le plus scélérat des princes ; il a usé du droit qui appartient à chaque homme de donner un libre cours à ses opinions, à ses sentimens : il préférait Platon à Moïse, Athènes à Jérusalem, et il l’a dit ouvertement. S’il eût payé d’hypocrisie, l’estimerait-on davantage ? Julien a eu de la franchise, du courage, de l’enthousiasme, de l’imagination, de la grandeur dans l’ame, un esprit léger et un caractère incomplet. La cause des idées et de la philosophie ne doit à Julien aucune prédilection ; elle ne lui doit, comme à ses adversaires, que la plus stricte impartialité. C’est ce qu’a eu le mérite de comprendre M. Jules Simon ; la lutte de Julien contre les chrétiens comme empereur et comme philosophe, sa conduite, sa doctrine, ses écrits, sont appréciés avec une équité pénétrante, avec une décision d’esprit qui cette fois élèvent la manière de l’auteur à toute la plénitude de la gravité historique.

Se placer avec une sage hardiesse au milieu de tous les faits, accepter tout ce que le sujet qu’on traite a de vaste et de compliqué, est un procédé sûr pour arriver à une composition vivante et forte. Dans son remarquable morceau sur Julien, M. Jules Simon en a fait l’expérience. On peut regretter que dans les autres parties de son livre il n’ait pas toujours eu la même allure et le même bonheur. Il a considéré avec raison que, comme historien de l’école d’Alexandrie, son principal devoir était de nous faire connaître à fond les deux grands systèmes de