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assez douteuse et de talens plus que médiocres, il n’avait longtemps été connu que par son faste et le luxe de sa toilette ; le soin de son costume semblait l’affaire la plus importante de sa vie. Dans les derniers événemens, les occasions ne lui ont pas manqué pour jouer un rôle plus considérable : il a tenu les sceaux de l’état depuis la mort de Jowahir, et il commandait encore une division de l’armée sikhe à la bataille de Moudki. Lal-Sing n’a rien fait dans ces divers postes qui puisse défendre son nom contre l’oubli d’où l’a tiré un moment la passion de la reine.

A l’époque de la mort d’Hira-Sing, il ne restait dans la capitale, de toute l’ancienne cour de Rundjet, que trois hommes éminens, employés sous tous les régimes à cause de leur connaissance des affaires, espèce de triumvirat ministériel inamovible. Si, depuis la mort du maître qui les avait choisis, leur voix était rarement écoutée dans le conseil, au milieu du déchaînement des passions, cependant, à l’heure des grands dangers, c’était toujours leur expérience qu’invoquait le pouvoir. L’un est un ancien ministre des finances, appelé Dina-Nath, espèce d’Olivier-le-Daim admirablement versé dans l’art de tirer le plus de revenus possible des provinces, et de faire rendre gorge aux employés publics sans pousser les uns ou les autres à la révolte ; esprit fin et conciliant, qui, survivra à toutes les catastrophes, parce qu’il est libre de tout attachement et dévoué au pouvoir, quel qu’il soit. Le second, Fakir-Nour-Oud-Din, ministre des affaires étrangères sous Rundjet, et l’aîné de trois frères qui jouissaient de toute la faveur de ce prince, est un homme d’un peu plus de soixante ans, de petite taille, de figure assez belle et parfaitement spirituelle, avec une barbe grise peinte en noir ou plutôt en bleu. Il cache d’immenses richesses sous les dehors de la pauvreté, et se fait pardonner son intrusion parmi les chefs du Khalsa[1] par l’humilité de ses manières. Il porte le titre de fakir, et ses enfans le prennent aussi ; mais sa sainteté se borne à tenir toujours à la main un chapelet, dont il compte quelquefois les grains en murmurant des prières, quand il n’a rien de mieux à faire. Son influence tient surtout à ce qu’il représente le parti musulman, dont il a toujours dirigé les affaires avec beaucoup de sagesse. Il est dévoué à Goulab-Sing. Le troisième est Bhai-Ram-Sing, ministre de la guerre, constructeur et dires, Leur général de l’artillerie, inspecteur de toutes les fonderies. C’est un homme remarquable dans sa spécialité, qui s’est élevé à l’école de M. Court, et qui a su profiter des instructions de cet habile officier. Chef du parti hindou, ses prédilections sont toutes en faveur de l’Angleterre, et il a long-temps entretenu une correspondance active avec le chargé d’affaires anglais à Firozepour.

  1. C’est ainsi qu’on nomme la confédération sikhe.