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ne sont ni pires ni meilleures que les toiles signées de son nom il y a dix ans. C’est toujours la même facilité, la même insignifiance. Bientôt, nous l’espérons, il passera de l’indifférence à l’oubli qu’il a si bien mérité.

Nous ne pouvons passer sous silence un Site d’Italie de M. Watelet. L’auteur nous dit qu’il a composé son tableau d’après des études faites à Civita-Castellana. En vérité, ce n’est pas la peine de passer les Alpes pour rapporter de pareilles compositions. Montmartre et la plaine Saint-Denis suffisent amplement. La vue de Saint-Germain et de Ville-d’Avray serait de trop. Avant d’interroger l’Italie, qu’il ne comprend pas, M. Watelet jouissait en paix d’une petite réputation bourgeoise. Il était applaudi presque autant que MM. Bidault et Bertin. Je crains fort qu’il n’ait aventuré son nom en visitant l’Italie. Quoique sa peinture n’ait rien de commun avec le paysage, je lui conseille, dans son intérêt, de s’en tenir à sa première manière.

Les ruines de Balbek, de M. Jules Coignet, doivent plaire singulièrement aux jeunes filles qui commencent l’étude de la peinture. Tout est neuf, luisant, épousseté, dans cette toile endimanchée. Ce n’est pas là l’Orient de Decamps, de Marilhat. Les terrains, les ruines, le ciel, se présentent dans une toilette décente. A la bonne heure ! voilà ce qui s’appelle savoir vivre. Ne me parlez pas de ces artistes entêtés qui tiennent à nous montrer l’Orient tel qu’il est. Ils manquent de goût et de bon sens, ils ne comprennent pas les exigences légitimes d’une société civilisée. Ils ôteraient l’envie de voyager aux esprits les plus intrépides. M. Jules Coignet se met à la tête d’une réaction salutaire. Son tableau, il est vrai, intéressera médiocrement ceux qui aiment la peinture, mais il plaira, j’en suis certain, à tous ceux qui aiment à lire l’histoire de France en madrigaux.

Les deux paysages de M. Cabat sont loin de valoir ses premiers ouvrages, quoiqu’ils se recommandent d’ailleurs par d’incontestables qualités. Ils n’ont ni la grace, ni la naïveté de ses premières études ; on y sent trop le désir de lutter avec Poussin. Un Ruisseau à la Judie (Haute-Vienne) offre un contraste fâcheux entre le style et le sujet. La première manière de M. Cabat, celle qui lui appartient vraiment, convenait merveilleusement à cette donnée. Ici les tons de Poussin étaient sans application, et la composition est froide malgré l’habileté de l’auteur. Je préfère le Repos, vue prise sur les bords d’un fleuve. On peut reprocher un peu de lourdeur aux arbres du premier plan. L’air ne circule pas dans les branches ; mais le fond est charmant, lignes et couleurs. Que M. Cabat retourne à sa première manière, qu’il renonce à l’imitation des maîtres dont le style ne convient pas à la nature de son talent, et il retrouvera bientôt la faveur qu’il avait si légitimement conquise.

Une Vue prise dans la forêt de Fontainebleau, de M. Corot, intéresse