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LE SALON


DE 1846.




LA PEINTURE


Il est impossible de méconnaître le talent et le savoir déployés par M. Horace Vernet dans la Bataille d’Isly. Il y aurait de l’injustice à ne pas louer la profondeur que le peintre a su donner au paysage, à ne pas signaler l’habileté avec laquelle il a mis en selle tous les cavaliers, à ne pas appeler l’attention sur les attitudes naturelles de chaque personnage. Toutes ces qualités sont assurément fort recommandables, et nous les proclamons avec plaisir ; mais elles ne suffisent pas pour composer, je ne dis pas un bon tableau, mais seulement un tableau. Le reproche que j’adresse à la toile de M. Vernet ne porte ni sur les têtes, ni sur les uniformes, ni sur les chevaux, ni sur le paysage, mais bien sur la composition tout entière. A quoi se réduit, en effet, cette composition, cette prétendue bataille ? A l’éparpillement d’un grand nombre de personnages qui en réalité ne prennent part à aucune action importante. Le colonel Yusuf présente au maréchal Bugeaud les étendards et le parasol de commandement enlevés par les spahis et les chasseurs à la prise du camp. Assurément il n’y a pas dans ce programme de quoi inspirer une composition historique ; je le sens bien, et M. Vernet n’a pas eu besoin de réfléchir pour comprendre tout le néant du sujet proposé à son pinceau. La dimension de la toile ajoute encore au danger ou plutôt à la nullité du programme. Et cependant, tout en reconnaissant