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dans l’île avec les rescatadores me fournit l’occasion de la voir. J’en devins passionnément amoureux. Comme j’étais précédé par une certaine réputation, elle ne parut pas, voir de mauvais œil, ni sa mère non plus, mes avances et mes cadeaux. Dès que notre journée était finie, pendant que tout le monde me croyait endormi dans ma hutte, je gagnais à la nage l’île d’Espiritu-Santo, d’où je revenais vers une heure de la nuit sans qu’on se doutât de mes absences.

Quelques jours s’étaient passés déjà depuis ma première course nocturne à Espiritu-Santo, quand un matin, en me rendant à la pêcherie avant le lever du soleil, je rencontrai une de ces vieilles femmes que vous avez dû voir assister à nos travaux. C’était une de ces folles qui s’imaginent ou du moins veulent faire croire qu’elles ont le pouvoir de charmer les requins. Elle était assise près de ma hutte et semblait attendre ma sortie.

— Salut à mon fils José Juan ! dit-elle en m’apercevant.

— Bonjour, la mère, lui dis-je en m’apprêtant à passer outre.

Mais la vieille s’avança vers moi et reprit :

— Écoutez-moi, José Juan, car j’ai à vous parler dans votre intérêt.

— Dans mon intérêt ? lui demandai-je d’un air étonné.

— Oui, répliqua la vieille, nierez-vous que votre cœur soit dans l’île d’Espiritu-Santo ? Nierez-vous que vous traversez chaque nuit le détroit pour voir et entretenir celle à qui vous avez donné votre amour ?

— Qui vous a dit cela ?

— Je le sais. Eh bien ! José Juan, ce trajet est doublement périlleux pour vous. Des ennemis que nos charmes endorment seulement le jour vous guettent la nuit au milieu de la mer ; sur la plage, des ennemis plus dangereux peut-être, et contre lesquels nos paroles sont impuissantes, vous épient encore ; c’est contre ces dangers que je viens vous offrir mon secours.

Un éclat de rire méprisant fut ma seule réponse. La colère étincela dans les yeux de la vieille Indienne, qui s’écria :

— Parce que vous êtes incrédule, vous pensez que je suis sans pouvoir ! Eh bien ! d’autres croient à ce pouvoir dont vous vous moquez.

En disant ces mots, elle tira de sa poche un petit sachet de toile imprimée, et me montrant, parmi de menues perles, une calebasse d’une certaine grosseur et d’un magnifique orient, elle reprit :

— Connaissez-vous cela ?

C’était une perle dont j’avais fait cadeau à Jesusita (c’était le nom de la jeune fille).

— Qui vous l’a donnée ? m’écriai-je en la reconnaissant.

La sorcière me lança un regard de haine.

— Qui me l’a donnée, dites-vous ? Une jeune fille, la plus belle qui ait jamais paru sur ces côtes, une jeune fille qui ferait la gloire et le