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reproché à M. de Cormenin de cacher des opinions légitimistes sous des apparences républicaines : il les a mal cachées, car tout le monde les a reconnues. C’est qu’il y a de la sincérité dans ce double personnage de M. de Cormenin, et de plus il a porté dans l’un et l’autre rôle les mêmes qualités et les mêmes défauts.

La chambre des députés recevait, le 12 août 1830, la démission de M. de Cormenin, qui se déclarait sans pouvoir pour faire un roi, une charte, un serment. M. de Cormenin a tâché d’expliquer pourquoi il avait attendu le 12 août pour prendre ce parti. « Attaché sur mon banc, a-t-il écrit, pendant l’improvisation de la charte, je gardai l’immobilité du silence. J’étais absorbé dans la contemplation de mon illégalité. Je n’entendais rien. Je n’apercevais plus la chambre. Je ne voyais que le peuple. Sa grande image était devant moi. » Quelques jours après, le 20 août, M. de Cormenin donnait sa démission de maître des requêtes, brisant lui-même le lien qui le rattachait au gouvernement nouveau. Dans les premiers momens où, après le triomphe, les grandes situations se partageaient entre les vainqueurs, M. de Cormenin avait songé au poste de procureur-général à la cour de cassation : M. Dupin y fut nommé. La présidence du conseil d’état devint la récompense d’un publiciste illustre, de Benjamin Constant. De ce côté encore les espérances de M. de Cormenin étaient trompées. Si des compensations lui furent offertes, il les refusa. Après avoir échoué devant le collége électoral d’Orléans, M. de Cormenin fut renvoyé au Palais-Bourbon par les électeurs du département de l’Ain, et quand, en 1831, la chambre eut été dissoute, il reparut au parlement en réunissant les suffrages de quatre collèges électoraux. Cette quadruple élection enfla son courage, et, dès le mois d’août de la même année, il commença de publier des Lettres sur la Charte et la Pairie ; il y demandait la convocation des assemblées primaires ; il y rappelait que dès 1829 il avait émis le vœu de l’abolition de l’hérédité de la pairie. Seulement il oubliait qu’à cette époque c’était surtout dans l’intérêt du pouvoir royal et pour ne pas énerver la prérogative qu’il combattait cette hérédité. Quand il eut pris à partie la pairie et la charte, M. de Cormenin eut l’idée d’écrire sur la liste civile. Dans l’hiver de 1830, il avait été l’un des membres d’une première commission de la liste civile qui avait examiné tous les élémens, tous les détails de cette matière délicate ; aussi la connaissait-il à fond quand M. Casimir Périer apporta un projet nouveau à la chambre de 1831. Le sujet parut merveilleux à M. de Cormenin, échauffé d’ailleurs par les éloges que commençaient à lui accorder les légitimistes et les républicains. Aussi aborda-t-il la question d’un ton triomphant : « J’ai porté les premiers