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droit de croire que le tissu cellulaire y pénétrait aussi, et, en effet, des savans avaient conjecturé qu’on parviendrait peut-être à démontrer l’unité fondamentale des trois tissus primordiaux. Cet espoir de l’esprit d’analogie s’est réalisé. Ce qui n’était qu’un simple aperçu a été constaté par l’observation anatomique ; on a vu, par l’intermédiaire de la cellule primitive, la fibre musculaire et la fibre nerveuse avoir une origine commune avec le tissu cellulaire. Au sein de l’ovule, où tout est confondu, naissent d’une substance identique les tissus spéciaux. Dès-lors, par une extension facile, on a fait entrer anatomiquement le règne végétal dans le règne animal, et il n'y a plus eu qu’un seul principe de développement, le développement par des cellules.

C’est un spectacle digne d’attention que celui qui nous est ici offert par l’histoire scientifique. Au début, les objets sont vus en bloc, et à peine dans le corps vivant distingue-t-on autre chose que des chairs, des veines, des os, la peau, des ligamens et quelques viscères. C’est là à peu près toute l’anatomie d’Hippocrate. Puis, à mesure que l’intérêt scientifique s’éveille et que les procédés anatomiques se perfectionnent, on se reconnaît dans cette masse confuse ; les parties sont séparées par une dissection attentive, et en même temps croissent les divisions anatomiques ; puis, après un très long travail dirigé dans ce sens, vient un génie qui saisit les communautés dans ces différences et réunit en groupes homogènes ce qui avait été disjoint. Dès-lors, la porte étant ouverte, la recherche atteint le dernier terme, et, à côté des dissections délicates et des subdivisions du scalpel, un physiologiste habile à voir et habile à généraliser, M. Schwann, établit dans l’identité du développement l’identité radicale des tissus vivans.

La publication du travail de M. Schwann est peu ancienne (1838), et déjà les idées qu’il énonce ont été adoptées par d’éminens physiologistes et sont acquises à la science sinon dans les détails et toutes les conséquences, du moins dans les principes et les données essentielles. Combien de nos jours est devenue rapide la vérification d’un fait scientifique ainsi que l’établissement de la théorie qui s’en déduit ! Autrefois les choses marchaient plus lentement. Que de temps n’a-t-il pas fallu pour faire prévaloir le système de Copernic et détruire l’illusion que causaient le mouvement apparent du soleil et l’immobilité apparente de la terre ! Que d’efforts pour chasser l’anatomie de Galien et placer les faits au-dessus de l’autorité ! Quand la circulation du sang eut été découverte par Harvey, quels longs débats avant que l’enseignement physiologique l’admît définitivement ! Aujourd’hui non-seulement les travailleurs sont plus nombreux, mais ils sont formés à une seule école, celle de l’observation, et ils ont un mode commun d’expérimenter et de juger. Aussi le procès est-il promptement terminé. La doctrine nouvelle, mise au creuset, ou n’en sort pas ou en sort vérifiée, avec des amendemens, des