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vivante les parties sont en rapport et que le tout forme un système, à ces besoins répondent un moral déterminé, la ruse, la soif du sang, l’ardeur à la chasse, la patience infatigable à guetter, l’habileté à dresser des piéges. Toutes ces passions appartiennent aux races carnivores ; la faim pour la chair est l’associée d’instincts tout spéciaux, et dans l’histoire même de l’homme elle a laissé une trace profonde, non encore complètement effacée, l’anthropophagie. D’autre part, qu’on se représente les terreurs de la bête poursuivie, de celle que chassent le tigre dans les forêts, l’aigle dans les airs, le requin au sein des eaux, de celle qu’égorge le grand-duc dans le silence de la nuit, et l’on verra ainsi régnant de toutes parts un état cruel de guerres et de souffrances qui révolte singulièrement l’équité et la raison de l’homme cultivé. Certes, aucune intelligence humaine n’aurait aussi grossièrement institué les rapports des êtres, et aujourd’hui même tous les efforts des sociétés civilisées tendent à se servir des forces brutes de la nature pour ôter ou atténuer les maux inhérens à cette même nature ; mais ici, comme partout, les propriétés des choses sont la loi immuable : la condition de la vie est le passage incessant de matériaux sans cesse renouvelés, et il s’est trouvé que ce tourbillon, outre les substances végétales, a attiré à lui les chairs vivantes et palpitantes des animaux ; de là le sort des populations de notre globe.


IV. — DU SYSTÈME NERVEUX.

Dans le végétal, la nutrition (à part encore une fois la reproduction) est tout ; il ne s’y passe point d’autre phénomène que cette élaboration des matériaux inorganiques qui les transforme en composés très divers, et nulle autre activité ne s’y manifeste. Constamment docile aux influences extérieures, on le voit, à mesure que le soleil printanier frappe ses extrémités supérieures, ouvrir de proche en proche ses canaux, et bientôt les racines pompent dans le sol les fluides qui constituent la sève. Réciproquement, au retour de la mauvaise saison, le froid le resserre, les feuilles se détachent, la succion des racines s’interrompt, et le végétal tombe dans le sommeil de l’hiver. Cependant déjà quelques obscurs symptômes manifestent une certaine sensibilité, si je puis me servir de ce mot exclusivement réservé aux animaux. Le végétal est sensible à la lumière et il la cherche ; la nuit, quand le bruit et la chaleur se sont retirés de notre hémisphère, et que notre portion du globe regarde les espaces non éclairés du ciel, le végétal, lui aussi, ressent l’influence des ténèbres et du silence général, ses feuilles s’affaissent, et il semble avec le reste de la nature rentrer dans le repos. Enfin quelques plantes, plus délicates encore, exécutent au moindre contact des mouvemens rapides, tout comme si elles étaient pourvues de muscles et de nerfs.

Autre est le tableau présenté par le règne animal. À la nutrition se