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aspirait ouvertement, et n’ignorait pas quels travaux, quelles conditions étaient nécessaires pour le mériter.

M. de Cormenin a eu la même ambition. Jusqu’à quel point l’a-t-il satisfaite ? C’est ce qu’il est possible de rechercher aujourd’hui, sans craindre qu’un jugement littéraire, paraisse entaché de partialité politique. Les passions dont s’inspirait M. de Cormenin en écrivant ses pamphlets sont sinon tout-à-fait éteintes, du moins bien assoupies : lui-même en a perdu l’ardeur. Nos impressions et nos sentimens sont si mobiles, que quelques années suffisent pour donner un air d’ancienneté aux choses qui paraissaient les plus vives et les plus fécondes en émotions. Déjà les pamphlets de M. de Cormenin sont vieux. Notre dessein n’est pas de les déprécier par cette première remarque, mais nous voulons examiner s’il y a dans ces petites feuilles des qualités assez fortes pour les défendre contre cette action du temps si rapide et si destructive.

Avant d’arriver au pamphlet, M. de Cormenin a été poète et publiciste. C’est lorsqu’il était auditeur au conseil d’état qu’il eut son âge poétique. Il a chanté la naissance du roi de Rome, il a célébré la gloire du moderne César dont il se flatta même un moment d’avoir attiré l’attention. En effet, dans une pièce intitulée : Adieux de Gallus à la nymphe de Blanduse, il s’écriait :

Mes chants flattent César ! César aime la gloire !
Ils sont dignes de lui.


Toutefois l’enthousiasme lyrique de M. de Cormenin n’allait pas jusqu’à l’entraîner lui-même au milieu des combats. Il paraît qu’il avait obtenu d’être exempté des levées extraordinaires pour les gardes d’honneur. Peut-être dans le fracas des armes, qui chaque jour allait croissant, se prit-il à se repentir de son inaction, car nous trouvons les vers suivans dans la même pièce des Adieux de Gallus :

Mais quoi ! de nos guerriers l’impétueux courage
S’arrache au doux repos.
Tous les vrais citoyens déploient dans nos villes
Une mâle vertu,
Étouffant l’hydre impur des discordes civiles
A leurs pieds abattu, :
Et moi, lâche Romain, sur un lit de fougère,
Je perdrais mes beaux jours
A chanter les Sylvains…


Et moi, lâche Romain, est beau. C’est le relicta non bene parmula du nouvel Horace. Au surplus, en 1815, M. de Cormenin servit un moment à Lille comme garde national. Il serait puéril d’insister davantage sur les excursions poétiques du jeune auditeur. M. de Cormenin a éprouvé pour Napoléon une admiration vive, et il l’a exprimée dans des vers dont les meilleurs sont très médiocres. Tout cela n’a rien que de naturel