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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 mars 1846.


La chambre a rejeté à une majorité de 48 voix la proposition de M. de Rémusat sur l’incompatibilité de certaines fonctions publiques avec le mandat législatif. Toutefois on peut affirmer qu’il n’y a pas de question plus près d’être gagnée, et nous croyons que le cabinet n’en est pas moins convaincu que l’opposition elle-même. L’effet du discours de M. Thiers a été immense, et personne ne méconnaît désormais ni la nécessité d’arrêter l’invasion du parlement par les agens salariés, ni la confusion que cette invasion établit de plus en plus entre l’ordre administratif et l’ordre politique. 184 fonctionnaires, dont 133 appartiennent à la majorité, c’est là une proportion qui infirme malheureusement la valeur morale des résolutions législatives et qui tend à s’accroître encore. On connaît déjà plus de 60 fonctionnaires publics qui se présenteront aux élections prochaines en concurrence avec des membres actuels de la législature, et l’on cite une cour royale qui, si les candidatures conservatrices étaient toutes accueillies par le corps électoral, verrait ses quatre avocats-généraux et son procureur-général siéger au Palais-Bourbon, tandis que son premier président irait s’asseoir au Luxembourg. Un grand nombre de fonctionnaires doivent sans doute trouver place dans nos chambres, et c’est là la première conséquence d’un état social tel que le nôtre. La représentation nationale en France ne peut se recruter presque exclusivement dans la grande propriété agricole, comme en Angleterre, et il y aurait des inconvéniens sérieux à ce qu’elle fût envahie par les capitalistes et les industriels, qui ne la dominent déjà que trop. Il est naturel que les représentans des principaux services publics aient accès dans le parlement. Il est légitime que le pays leur tienne compte de leurs études consciencieuses et d’une existence d’ordinaire probe et modeste. Il ne peut venir à l’esprit de personne d’exclure en masse des hommes moins étrangers aux intérêts généraux de la société que la plupart des spéculateurs par lesquels ils seraient remplacés. Si les fonctions administratives et judiciaires ne donnent pas l’esprit