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des institutions modernes, en la livrant sans garantie légale aux passions et à l’arbitraire des cabinets.

M. de Metternich ne devrait jamais l’oublier même en ce déclin de sa vie, c’est encore jusqu’à lui que toute responsabilité remonte ; rien ne se fait au-delà du Rhin, que la pensée publique ne s’adresse à lui et ne compte avec lui. Le gouvernement prussien a beau se donner pour grand politique, entasser projets sur projets, remuer des idées nouvelles sans en accepter aucune, personne ne s’y laisse prendre. A tout ce manège, il n’a gagné que l’importance d’un brouillon très actif ; l’Autriche s’est assuré de longue date le dur et solide empire des idées étroites. Il serait presque exact de dire aujourd’hui ce qu’on disait il y a trente ans, que la Prusse était le bras et l’Autriche la tête. Reste seulement toujours cette grande et fatale différence, que la Prusse est une nation vivace, tandis que c’est un vieillard septuagénaire qui s’appelle l’Autriche. Tout l’avenir est d’un côté, mais tout le présent de l’autre. Ainsi, par exemple, l’Allemagne entière a cru que M. de Metternich était l’auteur de cette subite conversion du roi Frédéric-Guillaume, dont elle demeure courroucée. Elle impute à ses conseils ce regrettable abandon des principes de liberté politique et religieuse auxquels le nouveau monarque semblait avoir déjà donné des gages. Je veux bien qu’ici l’Allemagne se trompe et fasse honneur à M. de Metternich d’une conquête trop peu disputée : il est des places qui ne demandent qu’à se rendre ; mais l’Allemagne ne se trompe pas quand elle attribue au prince archi-chancelier une influence souveraine à Francfort, quand elle imagine entendre toujours l’expression d’une irrésistible volonté dans la bouche du président de la diète. Or, c’est la diète germanique, c’est cette formelle garantie de toutes les puissances unies pour un même but qui constitue l’autorité la plus sûre de chacune d’elles vis-à-vis de ses sujets. C’est au nom du pacte fédéral que les gouvernemens refusent aux peuples la sincérité de leurs institutions et les dépouillent à l’intérieur de leur légitime indépendance ; ce serait pour la défense du pacte fédéral qu’ils s’engageraient à l’extérieur dans les luttes les plus funestes aux intérêts particuliers du plus grand nombre des états fédérés. Et qu’on ne s’abuse pas, ce pacte absolu, ce n’est point aujourd’hui le traité primitif signé à Vienne en 1815, confirmé à Vienne en 1820 ; des clauses moins anciennes l’ont successivement aggravé au profit des forts, au détriment des faibles. Les conventions du 28 juin et du 5 juillet 1832 ont purement et simplement annulé l’existence des peuples secondaires. Les constitutions octroyées de 1815 à 1820, celles qui avaient été promulguées en 1831, toutes sont devenues lettre-morte. — La diète a fixé les cas où les princes devaient se passer de la coopération des assemblées délibérantes : elle a décrété que ces assemblées voteraient toujours quand même les voies et moyens nécessaires au