Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L'ALLEMAGNE


DU PRESENT.[1]




AU PRINCE DE METTERNICH.




III - HEIDELBERG

Il m’en coûtait de m’arrêter beaucoup à Heidelberg : j’y avais habité autrefois, et je n’y reconnaissais plus rien. C’est le propre des grands mouvemens publics de changer ainsi l’aspect moral des lieux, et comme de notre temps l’opinion se fait, en tout pays, le même domaine et le même chemin, les diversités pittoresques s’effacent sous l’analogie des idées. Il y a tant à gagner dans cette vaste communauté de la pensée moderne, qu’il faut savoir se résigner à perdre quelque chose. Cette fois, la perte m’attristait ; il me manquait d’heureuses impressions dont je gardais une bien douce mémoire. J’avais trouvé jadis un calme si profond dans ce gracieux séjour, il y avait un charme si original dans cette vie close et savante qui coulait lentement sous l’ombre majestueuse des ruines ! On était pourtant alors vers la fin de l’été de 1840, au moment même où les princes travaillaient en Allemagne à soulever contre la France des colères trop factices pour durer beaucoup. Heidelberg n’en avait pas encore

  1. Voir les livraisons du 1er  février et du 1er  mars.