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REVUE SCIENTIFIQUE.


Ce n’est pas dans cette saison que les savans entreprennent d’ordinaire de nouveaux et considérables travaux. Vers la fin de l’année scolaire, et lorsque chacun aspire au moment d’aller chercher un peu de repos et de fraîcheur au loin, les séances de l’Académie des Sciences commencent à devenir moins animées, et, au palais Mazarin comme ailleurs, on se ressent de la chaleur caniculaire qui nous accable tous. Cependant quelques lectures intéressantes ont été faites dernièrement à l’Institut. M. Edmond Becquerel, qui suit avec succès l’exemple de l’illustre physicien auquel il doit le jour, a communiqué à l’Académie le résultat d’une série d’expériences entreprises dans la vue de confirmer et de développer les découvertes de M. Faraday, dont nous avons entretenu nos lecteurs il y a peu de temps. Dans un mémoire remarquable, M. Coste a rendu compte de la manière dont les épinoches, petits poissons fort communs dans les ruisseaux des environs de Paris, construisent leur nid et soignent leurs œufs. L’habileté employée dans cette circonstance par ces animaux mérite de fixer d’autant plus l’attention des naturalistes, qu’elle paraît dépasser de beaucoup les bornes de cette portion fort restreinte d’instinct que jusqu’à présent on avait accordée aux poissons.

Pour apprécier convenablement un grand travail sur le mouvement d’Uranus, que M. Le Verrier a présenté à l’institut, il faut attendre à la fois que les calculs aient été publiés, et que les observations soient venues confirmer les conjectures de l’auteur. M. Le Verrier croit, avec d’autres astronomes, que les irrégularités du mouvement de cet astre, si éloigné de nous, sont dues à l’action d’une autre planète située à une distance beaucoup plus considérable, et qu’aucun observateur n’a pu jusqu’à présent apercevoir. D’après les recherches de cet académicien, la position de l’astre inconnu serait déterminée avec assez d’approximation pour que l’on pût nourrir l’espoir de soumettre cette hypothèse à une prochaine vérification. De telles prédictions ne sont pas sans précédens en astronomie, et l’on sait qu’au commencement de ce siècle, après la découverte de Cérès, petite planète observée d’abord par Piazzi, M. Olbers avait assigné deux points du ciel près desquels il annonçait qu’on trouverait probablement de nouvelles planètes. La découverte de Junon et de Vesta vint bientôt confirmer l’heureuse conjecture de l’astronome allemand. Espérons que M. Le Verrier n’aura pas moins de bonheur, et que, malgré la difficulté de constater le mouvement d’un astre qui, s’il existe, doit employer près de deux siècles et demi à faire le tour du ciel, son hypothèse pourra promptement être sanctionnée par l’observation directe.

L’événement scientifique le plus considérable de ces derniers mois, c’est la nomination de M. Jacobi, illustre géomètre prussien, à la place d’associé étranger de l’Académie des Sciences de Paris. M. Jacobi succède à M. Bessel, astronome célèbre, dont la réputation et le talent appelaient de tous les points de l’Europe un auditoire d’élite à l’université de Koenigsberg, où il était professeur. On sait à peine dans le public que ce titre d'associé étranger est la plus haute récompense qu’on puisse accorder à des découvertes éclatantes. Sans compter les académiciens