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d’un moine, et il les tempérait heureusement par les allures d’une humeur joviale dont peuvent témoigner et ses sujets romains et les nombreux voyageurs admis à ses entretiens. Malheureusement un déplorable abandon et une insouciance sans égale ont contribué, durant ce long pontificat, à précipiter encore vers sa ruine l’informe édifice qui pèse sur l’Italie et gêne l’essor de la pensée catholique dans tout ce qu’elle a de spontané. L’administration romaine est arrivée au dernier degré du désordre et de la vénalité, et personne n’ignore que, si des régimens suisses n’occupaient les légations comme on occupe un sol conquis, le gouvernement pontifical ne résisterait pas à la première insurrection. C’est dans cette situation si difficile que se réunit le conclave appelé à donner à la fois un souverain à un royaume et un chef à l’église. Si les délibérations se prolongeaient, on pourrait redouter les plus sérieux événemens ; aussi est-il à croire que la session du conclave sera courte, et qu’il ne se passera pas un mois avant que le peuple romain entende proclamer, du haut du Quirinal, l’avènement du nouveau pape. En ce qui concerne le gouvernement temporel, le sacré collége n’a guère qu’une pensée, faire durer le plus long-temps qu’on pourra un état de choses qu’il semble presque impossible de réformer régulièrement, tant il est difficile de passer de l’administration ecclésiastique à l’administration laïque, tant il y a d’existences liées aux abus séculaires de l’ordre de choses existant. En ce qui concerne les intérêts généraux du catholicisme, deux partis distincts divisent les cardinaux. Les uns, à la tête desquels il faut placer le cardinal Micara, adoptent, dans une certaine mesure, les idées de M. de Montalembert ; les autres les combattent énergiquement et recherchent, pour les intérêts religieux, le seul concours du pouvoir et la protection des couronnes. C’est ce parti qui prévaut en ce moment à Rome, et qui a dominé sans réserve dans la dernière période du règne qui vient de finir. L’activité de M. Rossi, depuis son arrivée, n’a pas peu contribué à faire prévaloir la pensée politique sur la pensée purement religieuse au sein du sacré collége, et les liens qui rattachent la papauté aux grands gouvernemens européens, particulièrement à l’Autriche et à la France, semblent aujourd’hui plus étroits que jamais. Les hommes qui expriment au plus haut degré l’esprit de gouvernement sont les cardinaux Lambruschini, Bernetti, Acton et Mai. Ce dernier, dont le nom est éminent dans la science européenne, n’est pas sans quelque chance d’être élevé à la papauté ; d’autres noms sont également prononcés : on assure que les cardinaux Franzoni et Oroli sont aussi considérés comme pouvant rallier la majorité des suffrages. On s’accorde enfin à reconnaître que notre nouvel ambassadeur exercera au conclave une influence prépondérante, et qu’il a désormais triomphé de toutes les difficultés inséparables de sa position.

Les révolutions du Portugal sont plus curieuses par leur triste originalité qu’intéressantes par leur portée, elles ont au dehors peu d’effets immédiats ; il faut du moins souhaiter que le gouvernement espagnol prenne exemple de la chute des Cabral pour veiller sur lui-même au lieu d’affecter les airs compromettans d’une impuissante complicité. Si jamais on eût dû prévoir une politique, c’était assurément celle-là, et cependant il semblait qu’elle fût impossible, tant les uns étaient aveuglés par la jouissance du commandement, et les autres accoutumés à la résignation. M. da Costa-Cabral a donné le spectacle unique en Portugal d’un ministère qui a duré quatre ans. Son énergie naturelle,