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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 juin 1846.


Jamais la chambre n’avait abordé la discussion du budget avec une plus ferme intention de se montrer expéditive, et jamais elle ne s’est trouvée plus à la merci des impitoyables orateurs qui, sous prétexte de ménager l’argent des contribuables, écrasent le Moniteur sous le poids de leur éloquence. Il n’est pas un lieu commun financier qui n’ait trouvé jour à se produire, pas une réclame électorale qui ne se soit étalée avec complaisance au milieu des bâillemens d’une assemblée trop lasse pour se défendre même par des murmures. Un seul débat grave et politique s’est fait remarquer au milieu de ce chœur monotone, grossi par les voix plus ou moins éclatantes de toutes les illustrations d’arrondissement : nous voulons parler de la discussion de quatre jours relative à l’Algérie. C’est sur les résultats pratiques de ce débat qu’il nous paraît utile d’arrêter la sérieuse attention de nos lecteurs.

L’Algérie a désormais conquis sa place dans le monde et dans nos destinées ; elle la conservera malgré MM. Desjobert et de Tracy, dont le réquisitoire annuel a été cette fois un peu moins écouté que d’ordinaire. La France comprend que son importance dans l’avenir résultera de la grande position que cette conquête lui a donnée dans la Méditerranée, et que les difficultés sont nulles, mises en regard d’un pareil but à atteindre. On pourrait diviser les nations contemporaines en deux catégories, celle des peuples qui ont une politique active et celle des peuples qui n’en ont plus ; on verrait que les premiers ne sont pas seulement plus puissans que les seconds, mais qu’ils sont encore plus paisibles et d’autant plus assurés du présent, qu’ils poursuivent un plus grand résultat dans l’avenir. Ce n’est pas seulement parce qu’ils sont tourmentés par l’esprit de révolution que l’Espagne et le Portugal sont en proie à l’anarchie ; c’est parce que ces états n’ont plus rien à faire et aucun but à proposer à l’activité nationale, après avoir rempli l’univers du bruit de leurs travaux. Si l’Angleterre est pleine de vie, si ses citoyens conservent une pleine sécurité au milieu des graves épreuves d’une réorganisation sociale, c’est qu’il reste encore à la patrie des Clive et des