questions, etc., et de ces chansons romaines ou espagnoles qui sont des ballades de M. Hugo refaites ou des boutades de l’auteur de Fantasio retournées. On ne remarque pas que ces faciles improvisations, toutes chargées d’imitation et de vulgarité, n’ont qu’un résultat, celui de faire refermer le livre à la première page.
C’est avec une profusion bien plus grande encore que tous ces enfantillages poétiques se retrouvent dans d’autres volumes, les Chants d’un oiseau de passage de M. Alph. Duchesne, les Délassemens poétiques de Mme Virginie Letaillander, les Premières Feuilles par M. Henri de Bornier, les Poésies de M. de Fonds, les Solitudes de M. Chefdeville, et là, en vérité, sans compensation, sans le rare morceau qui paie la peine de lire et qu’on peut noter. Leur histoire serait la même. Incompris, douleur d’aimer, destinée, songe, crépuscule, etc., qui n’en connaît tous les chapitres, bien qu’ils soient donnés chaque jour comme étant de la dernière nouveauté ?
Nous prenons les Chants d’un oiseau de passage de M. Duchesne, non que les vers en soient meilleurs que d’autres ; mais c’est là peut-être que se trouvent reproduits avec le plus de naïveté tous les défauts de cette jeune poésie : ignorance de la langue, futilité, enflure, fausse tristesse, prétention à occuper tout le monde de ses petites misères intérieures. Le moyen, s’il vous plaît, de ne pas croire à son génie lorsqu’on a reçu tant de lettres d’écrivains illustres qui vous envoient le brevet par la poste ? Comment n’être pas plein de respect pour soi-même ? comment ne pas tirer de son portefeuille tout ce qu’on y a amassé, même des vers d’album sur ce thème si neuf : « Vous demandez des vers… à moi ?… A vrai dire, la sincère poésie agit autrement ; elle ne prend pas objet de tout pour se répandre. Ceux qui l’aiment véritablement savent le prix de la réserve, préfèrent les douces jouissances qu’on goûte dans l’intimité voilée de la muse ; ils ne font pas de leur cœur une place publique. Mais qu’importe ? M. Duchesne nous donne, en un volume, sa vie de seize à vingt ans, et à vingt ans, il n’y a pas à en douter, les désespoirs l’ont accablé, les tortures ont brisé son ame. Il n’approche plus qu’une coupe de fiel de sa lèvre de barde. Tant est qu’il finit par s’écrier :
Il est de ces momens d’étrange paroxysme
Où, plongé dans la nuit d’un effrayant mutisme,
Pour mieux gémir on crie.
« Crier dans la nuit du mutisme » vaut au moins la bouilloire qui ronfle tout bas de M. de Banville ; et cela ne peut être dépassé que par l’étrange désir exprimé par l’auteur dans la même pièce (Heure de crise)
J’aime que la cloche ait, durant mes insomnies,
A tinter sourdement une ou deux agonies…
Tout cela, comme on voit, est très nouveau et très poétique surtout. L’auteur se déride pourtant quelquefois, et alors c’est pour dire avec agrément à une femme qu’il l’a vue en rêve et qu’elle était « un jardin… tout émaillé de charmantes choses. » Sa manière d’expliquer des sujets fort connus n’est pas moins précieuse. Si M. Nisard ne sait pas encore ce que c’est que le quiétisme, il peut l’apprendre ici même dans une pièce sur cette matière qui lui est dédiée, et où