On peut donc dire que la veine guerrière des tribus est non à sec, malheureusement, mais fatiguée, ne se manifestant plus que par jets faibles et intermittens, et ne s’alimentant plus que de cette humeur inquiète, turbulente, qui est le fonds même de la nature arabe.
On se tromperait d’ailleurs étrangement, si on mesurait la réussite d’Abd-el-Kader, dans ses dernières campagnes, à l’angle de terrain qu’il a embrassé dans ses courses, et au degré de liberté de ses mouvemens. Il a été à peu près partout où il a voulu, mais il est loin d’avoir fait partout ce qu’il a voulu. Il a vu M. le général de Lamoricière, dans ses mouvemens si brusques et si multipliés, aller reprendre une à une bien des fractions de tribus déjà engagées sur la route de l’émigration, et les replacer comme avec la main sur leurs territoires ; M. le général Cavaignac, par de grands coups de filet hardiment lancés sur la frontière marocaine, ramasser d’importans groupes de population, et les ramener sur le bord français ; M. le gouverneur, et les colonnes qu’il détachait de la sienne, tenir immobiles et calmes les montagnards de la rive gauche du Riou, quoique l’émir rodât à l’entour, cherchant un parti à entraîner ou une proie à dévorer, et essayant sa double puissance d’attraction et d’intimidation. Il a tenté en vain la grande et belliqueuse tribu des Beni-Ourags, si long-temps habituée à lui obéir avec enthousiasme, avec amour, et il a côtoyé le pied de toutes ses montagnes, sans oser ni s’y imposer comme ami, ni en forcer l’entrée comme ennemi. Il est probable que ces astucieux Kabaïles se seront mis en relation avec leur ancien sultan, et lui auront député quelque membre de la famille vénérée de leur cheik, tandis que celui-ci s’était rendu lui-même au camp de M. le maréchal Bugeaud. Cependant ils n’auront reçu notre ennemi, qu’avec de stériles et prudentes marques de respect, et comme ces hôtes qu’on ne veut ni repousser ni introduire chez soi, et qu’on accueille très révérencieusement, pourvu que ce soit sur le seuil seulement, et sans les laisser pénétrer à l’intérieur. Plus tard, Abd-el-Kader a dû quitter les Ouled-Naïls, avant d’y avoir creusé le port qu’il voulait y préparer et y assurer à ses partisans, actuellement réunis dans le Maroc, pour le cas où les inquiétantes dispositions qu’alors l’empereur manifestait à leur égard auraient éclaté sur eux et les auraient dispersés. Malgré la profondeur des issues que lui offrait sa retraite méridionale, dès qu’il vit nos colonnes lancées sur sa piste, il crut prudent de se dérober, et de venir tomber en arrière au milieu des Kabaïles du Jurjura ; là, par sa promptitude à rassembler et à abandonner les populations, à venir, voir et fuir, puis à revenir et à fuir de nouveau, comme il lui est arrivé tout récemment, il a donné des preuves nombreuses de sa puissance à exciter les imaginations des races musulmanes, et de son impuissance à les défendre, et même à seconder leurs efforts. Ce