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DES


OEUVRES LITTERAIRES


DE CE TEMPS.




LE ROMAN, LA POESIE ET LA CRITIQUE.




I.

Il ne faut pas s’étonner s’il en coûte parfois de revenir sur un sujet sérieux, pénible, et par malheur trop actuel, sur l’affaiblissement de l’esprit littéraire en France. C’est un spectacle qu’on ne peut suivre sans tristesse. Quinze ans se sont écoulés, et cet intervalle a suffi pour montrer un grand mouvement poétique dans sa gloire et dans sa corruption ; quelques-uns de ceux mêmes qui en étaient les plus actifs promoteurs se font les instrumens volontaires de sa décadence. Quinze ans ! et, à parler rigoureusement, ce serait trop peut-être : les illusions n’ont pas tant duré sur beaucoup d’hommes, sur beaucoup d’ouvrages, qui n’ont eu qu’un éclair de vie, et n’ont été que des espérances. En réalité, hommes et œuvres, au lieu de grandir, s’abaissent graduellement, et nous arrivons à mesurer les efforts de la licence, elle-même épuisée. Est-ce à dire qu’il soit nécessaire de confronter la littérature présente avec les littératures des autres siècles, et que nous la jugions déchue uniquement parce qu’elle diffère de ces immortelles images du passé ? Non : les points de vue changent, il est superflu de le remarquer ; mais il est des qualités essentielles qui sont de tous les temps, qui appartiennent à tous les systèmes, et dont l’absence est un signe infaillible d’amoindrissement. Le goût, le choix, la vérité des inventions, le soin